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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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matériaux de construction, <strong>le</strong>s avait apprises lors d’une<br />

réception, semb<strong>le</strong>-t-il. Ces compositions simp<strong>le</strong>s, comme la<br />

suivante, étaient devenues un genre de marotte dans la haute<br />

société aussi bien que parmi <strong>le</strong>s équipes d’ouvriers :<br />

D’Awataguchi nous <strong>le</strong>s avons tirées –<br />

Traînées <strong>pierre</strong> après <strong>pierre</strong> après <strong>pierre</strong><br />

Pour notre nob<strong>le</strong> seigneur Tōgorō.<br />

Ei, sa, ei, sa...<br />

Tire... ho ! Traîne...ho ! Tire... ho ! Traîne... ho !<br />

Sa Seigneurie par<strong>le</strong>,<br />

Nos bras <strong>et</strong> nos jambes tremb<strong>le</strong>nt.<br />

Nous lui sommes loyaux – jusqu’à la mort.<br />

Commentaire de l’auteur de la l<strong>et</strong>tre : « Tout <strong>le</strong> monde,<br />

jeunes <strong>et</strong> vieux, chante cela, car cela fait partie du monde<br />

instab<strong>le</strong> où nous vivons. »<br />

Les ouvriers de Fushimi avaient beau ignorer ces<br />

répercussions socia<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>urs chants reflétaient bien l’esprit de<br />

l’époque. Les airs populaires, au déclin du Shōgunat Ashikaga,<br />

avaient dans l’ensemb<strong>le</strong> été décadents ; on <strong>le</strong>s chantait surtout<br />

en privé ; mais durant <strong>le</strong>s années prospères du régime Hideyosi<br />

l’on entendait souvent en public des chansons heureuses,<br />

joyeuses. Plus tard, quand la poigne sévère d’Ieyasu se fit sentir,<br />

<strong>le</strong>s mélodies perdirent un peu de <strong>le</strong>ur exubérance. A mesure que<br />

<strong>le</strong> pouvoir Tokugawa se renforçait, <strong>le</strong> chant spontané tendit à<br />

céder la place à une musique composée par des musiciens au<br />

service du Shōgun.<br />

Matahachi reposa sa tête dans ses mains. El<strong>le</strong> brûlait de<br />

fièvre, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s « ho-hisse » des chants lui bourdonnaient<br />

indistinctement aux oreil<strong>le</strong>s, comme un essaim d’abeil<strong>le</strong>s. Tout<br />

seul maintenant, il tomba dans l’abattement.<br />

« A quoi bon ? gémissait-il. Cinq ans. A supposer<br />

qu’effectivement je travail<strong>le</strong> dur – qu’est-ce que ça me<br />

rapportera ? Pour une journée entière de travail, je gagne tout<br />

juste assez pour me nourrir ce jour-là. Si je prends un jour de<br />

vacance, je me passe de manger. »<br />

Sentant quelqu’un debout près de lui, il <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux <strong>et</strong> vit<br />

un grand jeune homme. Il était coiffé d’un haut chapeau d’osier<br />

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