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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Pour <strong>le</strong>s samouraïs de c<strong>et</strong>te époque, la chose la plus<br />

importante au monde était l’honneur. En tant que classe, ils<br />

rivalisaient pratiquement entre eux pour voir qui serait <strong>le</strong><br />

premier à mourir pour lui. Jusqu’à une date récente, <strong>le</strong><br />

gouvernement avait eu trop à faire avec ses guerres pour m<strong>et</strong>tre<br />

au point un système administratif adéquat à l’intention d’un<br />

pays en paix, <strong>et</strong> même Kyoto ne se trouvait gouverné que par un<br />

ensemb<strong>le</strong> sans consistance de règ<strong>le</strong>ments de fortune. Pourtant,<br />

l’accent mis sur l’honneur personnel par la classe des guerriers<br />

était respecté aussi bien par <strong>le</strong>s paysans que par <strong>le</strong>s citadins, <strong>et</strong><br />

jouait un rô<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> maintien de la paix. Un consensus général,<br />

concernant l’honorabilité ou non du comportement, perm<strong>et</strong>tait<br />

aux gens de se conduire en dépit de lois inadaptées.<br />

Les hommes de l’Eco<strong>le</strong> Yoshioka avaient beau être incultes,<br />

ce n’étaient nul<strong>le</strong>ment des dégénérés cyniques. Quand, après <strong>le</strong><br />

choc initial de la défaite, ils revinrent à eux, la première chose à<br />

laquel<strong>le</strong> ils pensèrent fut l’honneur. L’honneur de <strong>le</strong>ur éco<strong>le</strong>,<br />

l’honneur du maître, <strong>le</strong>ur honneur personnel.<br />

M<strong>et</strong>tant de côté <strong>le</strong>s animosités individuel<strong>le</strong>s, un groupe<br />

nombreux se rassembla autour de Seijūrō pour discuter de ce<br />

qu’il convenait de faire. Hélas ! en ce jour précis, Seijūrō ne se<br />

sentait pas d’humeur combative. Au moment où il aurait dû être<br />

en p<strong>le</strong>ine forme, il avait la tête lourde, il était faib<strong>le</strong>, épuisé.<br />

— Où donc est l’homme ? demanda-t-il en r<strong>et</strong>roussant <strong>le</strong>s<br />

manches de son kimono avec une lanière de cuir.<br />

— Dans la p<strong>et</strong>ite pièce à côté de la sal<strong>le</strong> de réception, dit un<br />

élève en désignant l’autre côté du jardin.<br />

— Qu’il vienne ! ordonna Seijūrō.<br />

Il avait la bouche sèche. Il s’assit à la place du maître, une<br />

p<strong>et</strong>ite estrade, <strong>et</strong> s’apprêta à recevoir <strong>le</strong> salut de Musashi. Ayant<br />

choisi l’un des <strong>sabre</strong>s de bois que lui présentaient ses discip<strong>le</strong>s,<br />

il <strong>le</strong> tint vertica<strong>le</strong>ment à son côté.<br />

Trois ou quatre hommes se disposaient à obéir, quand Tōji<br />

<strong>et</strong> Ryōhei <strong>le</strong>ur dirent d’attendre.<br />

Il s’ensuivit d’assez longs chuchotements, hors de portée<br />

d’oreil<strong>le</strong> de Seijūrō. Ces conciliabu<strong>le</strong>s se concentraient autour de<br />

Tōji <strong>et</strong> d’autres aînés parmi <strong>le</strong>s élèves de l’éco<strong>le</strong>. Bientôt s’y<br />

joignirent des membres de la famil<strong>le</strong> <strong>et</strong> quelques serviteurs ; si<br />

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