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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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de vies humaines. Comparée au nombre de vies que la prompte<br />

arrestation de Takezō pourrait sauver, la sienne propre<br />

paraissait sans importance, Otsū devait <strong>le</strong> comprendre. Il lui dit<br />

aussi de se reposer autant qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> pourrait avant la soirée du<br />

<strong>le</strong>ndemain, où ils partiraient. El<strong>le</strong> devait l’accompagner sans se<br />

plaindre, <strong>et</strong> se fier entièrement à son jugement. Otsū était trop<br />

bou<strong>le</strong>versée pour résister, <strong>et</strong> l’éventualité de rester au temp<strong>le</strong><br />

dans l’anxiété se révélait pire encore que la perspective<br />

d’accompagner Takuan.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain, en fin d’après-midi, celui-ci faisait encore sa<br />

sieste avec <strong>le</strong> chat, à l’ang<strong>le</strong> du bâtiment principal du temp<strong>le</strong>.<br />

Otsū avait <strong>le</strong>s traits tirés. Le prêtre, <strong>le</strong> serviteur, l’acolyte – tout<br />

<strong>le</strong> monde avait essayé de la convaincre de rester. « Va te<br />

cacher » : tel était <strong>le</strong>ur conseil d’ordre pratique ; mais Otsū,<br />

pour des raisons qu’el<strong>le</strong>-même pouvait à peine sonder, n’en<br />

éprouvait pas la moindre envie.<br />

Le so<strong>le</strong>il descendait vite, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s ombres épaisses du soir<br />

avaient commencé d’envelopper <strong>le</strong>s crevasses de la chaîne de<br />

montagnes qui suivait <strong>le</strong> cours de la rivière Aida. Le chat sauta à<br />

bas du portique du temp<strong>le</strong>, <strong>et</strong> bientôt Takuan lui-même passa<br />

sur la véranda. Comme <strong>le</strong> chat devant lui, il s’étira en bâillant à<br />

se décrocher la mâchoire.<br />

— Otsū ! appela-t-il, nous ferions bien de partir.<br />

— J’ai déjà tout empaqu<strong>et</strong>é : sanda<strong>le</strong>s de corde, cannes,<br />

guêtres, papier à l’hui<strong>le</strong> de paulownia.<br />

— Tu as oublié quelque chose.<br />

— Quoi donc ? Une arme ? Faut-il prendre un <strong>sabre</strong>, une<br />

lance ou quoi ?<br />

— Sûrement pas ! Je veux emporter une provision de<br />

nourriture.<br />

— Oh ! tu veux dire un pique-nique ?<br />

— Non, quelque chose de bon. Je veux du riz, de la pâte de<br />

haricots salée <strong>et</strong> – mais oui ! — un peu de saké. Tout ce qui est<br />

savoureux fera l’affaire. J’ai aussi besoin d’un pot. Va à la<br />

cuisine faire un gros ballot. Et procure-toi une perche pour <strong>le</strong><br />

porter.<br />

Les montagnes proches étaient maintenant plus noires que<br />

la meil<strong>le</strong>ure laque noire, <strong>le</strong>s montagnes éloignées plus pâ<strong>le</strong>s que<br />

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