14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

mains de la servante, <strong>et</strong> rengainé son arme. A Kocha, l’éclair de<br />

l’acier <strong>et</strong> <strong>le</strong> bruit du <strong>sabre</strong> rengainé avaient paru simultanés.<br />

Sans essayer de conso<strong>le</strong>r la fill<strong>et</strong>te terrifiée, Musashi<br />

ramassa <strong>le</strong> fragment de tige qu’il avait coupé, <strong>et</strong> se mit à en<br />

comparer une extrémité avec l’autre. Il avait l’air entièrement<br />

absorbé. S’étant enfin rendu compte de l’affo<strong>le</strong>ment de la<br />

servante, il s’excusa <strong>et</strong> lui tapota la tête.<br />

Quand el<strong>le</strong> eut cessé de p<strong>le</strong>urer, il lui demanda :<br />

— Sais-tu qui a coupé c<strong>et</strong>te f<strong>le</strong>ur ?<br />

— Non. On me l’a donnée.<br />

— Qui ça ?<br />

— Une personne du château.<br />

— L’un des samouraïs ?<br />

— Non, c’était une jeune femme.<br />

— Hum... Alors, tu crois que la f<strong>le</strong>ur vient du château ?<br />

— Oui, el<strong>le</strong> me l’a dit.<br />

— Je regr<strong>et</strong>te de t’avoir effrayée. Si je t’achète des gâteaux<br />

plus tard, me pardonneras-tu ? En tout cas, la f<strong>le</strong>ur devrait être<br />

exactement comme il faut maintenant. Essaie de la m<strong>et</strong>tre dans<br />

<strong>le</strong> vase.<br />

— Ça va comme ça ?<br />

— Oui, c’est très bien.<br />

Kocha s’était prise d’une immédiate sympathie pour<br />

Musashi, mais l’éclair de son <strong>sabre</strong> l’avait glacée jusqu’à la<br />

mœl<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> quitta la pièce, peu désireuse d’y revenir avant d’y<br />

être absolument obligée par son service.<br />

Les vingt centimètres du morceau de tige fascinaient<br />

Musashi beaucoup plus que la f<strong>le</strong>ur de l’alcôve. Il était sûr que la<br />

première entail<strong>le</strong> n’avait été faite ni avec des ciseaux, ni avec un<br />

couteau. Les tiges de pivoine étant soup<strong>le</strong>s <strong>et</strong> tendres, el<strong>le</strong> ne<br />

pouvait avoir été faite qu’avec un <strong>sabre</strong>, <strong>et</strong> seul un coup résolu<br />

pouvait avoir tranché aussi n<strong>et</strong>. Quiconque avait fait cela n’était<br />

pas un être ordinaire. Lui-même avait eu beau tenter de<br />

reproduire l’entail<strong>le</strong> avec son propre <strong>sabre</strong>, en comparant <strong>le</strong>s<br />

deux extrémités il se rendait compte aussitôt que la sienne était<br />

inférieure, <strong>et</strong> de loin. On eût dit la différence entre une statue<br />

bouddhiste sculptée par un expert, <strong>et</strong> une autre due à un artisan<br />

moyennement habi<strong>le</strong>.<br />

309

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!