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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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poseur. <strong>La</strong> flatterie de son entourage, non moins que <strong>le</strong>s avances<br />

des femmes, stimulait sa vanité comme un doux poison.<br />

— Comment, mais c’est <strong>le</strong> maître de l’avenue Shijō !<br />

s’exclama l’une d’el<strong>le</strong>s. Pourquoi nous caches-tu ta figure ? Tu<br />

ne trompes personne.<br />

— Comment c<strong>et</strong>te femme peut-el<strong>le</strong> savoir qui je suis ?<br />

gronda Seijūrō à l’intention de Tōji, en feignant d’être offensé.<br />

— C’est faci<strong>le</strong>, répondit-el<strong>le</strong> avant que Tōji pût ouvrir la<br />

bouche. Chacun sait que <strong>le</strong>s gens de l’Eco<strong>le</strong> Yoshioka aiment à<br />

porter c<strong>et</strong>te cou<strong>le</strong>ur brun foncé. On l’appel<strong>le</strong> la « teinte<br />

Yoshioka », vous savez, <strong>et</strong> par ici el<strong>le</strong> est très populaire.<br />

— Exact. Mais, tu <strong>le</strong> dis toi-même, beaucoup de gens la<br />

portent.<br />

— Oui, mais ils n’ont pas sur <strong>le</strong>ur kimono l’écusson aux trois<br />

cerc<strong>le</strong>s.<br />

Seijūrō abaissa <strong>le</strong>s yeux sur sa manche.<br />

— Je dois être plus prudent, dit-il, tandis qu’une main, à<br />

travers <strong>le</strong> treillage, agrippait <strong>le</strong> vêtement.<br />

— Mon Dieu, mon Dieu, dit Tōji. Il s’est caché <strong>le</strong> visage,<br />

mais pas l’écusson. Il voulait sans doute être reconnu. Je ne<br />

crois pas que nous puissions faire autrement que d’entrer ici,<br />

maintenant.<br />

— Comme tu voudras, dit Seijūrō, l’air gêné. Mais qu’el<strong>le</strong><br />

lâche ma manche.<br />

— Lâche-<strong>le</strong>, femme ! rugit Tōji. Il dit que nous entrons !<br />

Les élèves passèrent sous <strong>le</strong> rideau. <strong>La</strong> sal<strong>le</strong> où ils entrèrent<br />

était décorée d’images si vulgaires <strong>et</strong> de f<strong>le</strong>urs si mal arrangées<br />

que Seijūrō avait peine à s’y sentir à l’aise. Mais <strong>le</strong>s autres ne<br />

prêtèrent aucune attention à l’aspect misérab<strong>le</strong> des lieux.<br />

— Apportez-nous <strong>le</strong> saké ! dit Tōji, qui commanda aussi un<br />

assortiment de friandises.<br />

Une fois servis <strong>le</strong>s plats, Ueda Ryōhei, l’égal de Tōji au<br />

<strong>sabre</strong>, cria :<br />

— Apportez-nous <strong>le</strong>s femmes !<br />

Il passa la commande exactement du même ton bourru<br />

qu’avait employé Tōji pour réclamer la nourriture <strong>et</strong> la boisson.<br />

— Eh ! ce vieux Ueda dit : « Apportez <strong>le</strong>s femmes ! »,<br />

s’écrièrent <strong>le</strong>s autres en chœur, imitant la voix de Ryōhei.<br />

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