14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Musashi devait-il <strong>le</strong> tuer ? S’il <strong>le</strong> laissait vivre, il continuerait<br />

de gu<strong>et</strong>ter l’occasion de prendre sa revanche, <strong>et</strong> la prudence<br />

commandait à coup sûr de s’en débarrasser aussitôt. Mais une<br />

question subsistait : méritait-il d’être tué ?<br />

Musashi médita quelque temps, avant de parvenir à ce qui<br />

paraissait la solution idéa<strong>le</strong>. Il décrocha du mur, au pied de<br />

Baiken, une des propres armes du forgeron. Tout en tirant la<br />

lame de son sillon, il examina <strong>le</strong> visage endormi. Puis il<br />

enveloppa la lame dans un morceau de papier humide, <strong>et</strong> la<br />

disposa soigneusement en travers du cou de Baiken ; il recula<br />

pour admirer son œuvre.<br />

<strong>La</strong> roue était endormie, el<strong>le</strong> aussi. Sans l’enveloppe de<br />

papier, se disait Musashi, la roue risquait, en s’éveillant au<br />

matin, de tourner comme une fol<strong>le</strong> à la vue de la tête de son<br />

maître, tombée de l’oreil<strong>le</strong>r.<br />

Quand Musashi avait tué Tsujikaze Temma, il avait eu une<br />

raison, <strong>et</strong> de toute manière il brûlait encore de la fièvre du<br />

combat. Mais il n’avait rien à gagner au meurtre du forgeron. Et<br />

qui sait ? S’il <strong>le</strong> tuait, <strong>le</strong> p<strong>et</strong>it propriétaire de la roue risquait de<br />

passer sa vie à chercher à venger <strong>le</strong> meurtre de son père.<br />

C<strong>et</strong>te nuit-là, Musashi n’avait cessé de penser à son propre<br />

père <strong>et</strong> à sa propre mère. Debout là près de c<strong>et</strong>te famil<strong>le</strong><br />

endormie, environné par la légère <strong>et</strong> douce odeur de lait<br />

maternel, il éprouvait un peu d’envie. Il avait même un certain<br />

regr<strong>et</strong> à s’en al<strong>le</strong>r.<br />

Dans son cœur il <strong>le</strong>ur parla : « Je regr<strong>et</strong>te de vous avoir<br />

troublés. Dormez bien. » En si<strong>le</strong>nce il ouvrit la porte extérieure,<br />

<strong>et</strong> sortit.<br />

Le cheval volant<br />

Otsū <strong>et</strong> Jōtarō parvinrent tard dans la nuit à la barrière,<br />

descendirent dans une auberge, <strong>et</strong> se remirent en route avant<br />

que la brume du matin se dissipât. Du mont Fudesute ils<br />

gagnèrent à pied Yonkenjaya, où ils commencèrent à sentir sur<br />

<strong>le</strong>ur dos la cha<strong>le</strong>ur du so<strong>le</strong>il <strong>le</strong>vant.<br />

505

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!