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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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meurtrières du donjon, ce serait <strong>le</strong> printemps de sa troisième<br />

année dans ce ventre maternel.<br />

« J’aurai vingt <strong>et</strong> un ans », se disait-il. Pris de remords, il<br />

gémissait : « Et qu’ai-je fait de ces vingt <strong>et</strong> un ans ? » Parfois, <strong>le</strong><br />

souvenir de ses premières années, implacab<strong>le</strong>, <strong>le</strong> plongeait dans<br />

<strong>le</strong> chagrin. Il geignait <strong>et</strong> quelquefois sanglotait comme un<br />

enfant. Ces tortures, qui duraient des journées entières, <strong>le</strong><br />

laissaient épuisé, <strong>le</strong> cœur déchiré.<br />

Enfin, un jour, il entendit <strong>le</strong>s hirondel<strong>le</strong>s de r<strong>et</strong>our aux<br />

auvents du donjon. Une fois encore, <strong>le</strong> printemps avait franchi<br />

<strong>le</strong>s mers.<br />

Peu de temps après, une voix qui maintenant lui semblait<br />

étrange, presque pénib<strong>le</strong> à entendre, demanda :<br />

— Tu vas bien, Takezō ?<br />

<strong>La</strong> tête familière de Takuan apparut au somm<strong>et</strong> des<br />

marches. Sursautant, bien trop profondément ému pour<br />

ém<strong>et</strong>tre un son, Takezō saisit <strong>le</strong> moine par la manche de son<br />

kimono <strong>et</strong> l’attira dans la chambre. Pas une seu<strong>le</strong> fois, <strong>le</strong>s<br />

serviteurs qui apportaient sa nourriture n’avaient prononcé la<br />

moindre paro<strong>le</strong>. Il fut transporté de joie d’entendre une autre<br />

voix humaine, <strong>et</strong> surtout cel<strong>le</strong>-ci.<br />

— ... Je rentre de voyage, dit Takuan. C’est ta troisième<br />

année ici, <strong>et</strong> j’en conclus qu’après une aussi longue gestation tu<br />

dois être joliment bien formé.<br />

— Je te suis reconnaissant de ta bonté, Takuan. Je<br />

comprends maintenant ce que tu as fait. Comment pourrai-je<br />

jamais te remercier ?<br />

— Me remercier ? dit Takuan, incrédu<strong>le</strong>.<br />

Puis il éclata de rire.<br />

— ... Bien que tu n’aies eu personne d’autre que toi-même<br />

avec qui faire la conversation, tu as appris à t’exprimer comme<br />

un être humain ! Parfait ! Aujourd’hui, tu quittes c<strong>et</strong> endroit. Et<br />

ce faisant, serre bien contre ton cœur une illumination aussi<br />

chèrement acquise. Tu en auras besoin quand tu rejoindras tes<br />

frères humains dans <strong>le</strong> monde.<br />

Takuan emmena Takezō tout comme il était voir <strong>le</strong> seigneur<br />

Ikeda. Bien qu’on l’eût relégué au jardin lors de l’audience<br />

précédente, c<strong>et</strong>te fois on lui fit place sur la véranda. Après <strong>le</strong>s<br />

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