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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Même lui en était venu à se rendre compte que tôt ou tard,<br />

<strong>le</strong> temps aurait rattrapé la Maison de Yoshioka s’il était resté à<br />

sa tête. Au milieu du changement général, el<strong>le</strong> ne pouvait<br />

continuer à prospérer.<br />

« Mon combat avec Musashi n’a fait qu’en hâter<br />

l’effondrement. Que ne suis-je mort là-bas ! Pourquoi donc fautil<br />

que je vive ? »<br />

Son front se plissa. Il éprouvait des élancements de dou<strong>le</strong>ur<br />

à son épau<strong>le</strong> sans bras.<br />

Quelques secondes seu<strong>le</strong>ment après avoir frappé au portail<br />

du devant, un homme vint réveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s samouraïs dans la<br />

chambre voisine de cel<strong>le</strong> de Seijūrō.<br />

— Denshichirō ? s’exclama une voix d’homme réveillé en<br />

sursaut.<br />

— Oui ; il vient d’arriver.<br />

Deux hommes s’élancèrent au-dehors pour l’accueillir ; un<br />

autre courut au chev<strong>et</strong> de Seijūrō.<br />

— Jeune Maître ! Une bonne nouvel<strong>le</strong> ! Denshichirō est de<br />

r<strong>et</strong>our.<br />

On ouvrit <strong>le</strong>s vol<strong>et</strong>s ; on mit du charbon de bois dans <strong>le</strong><br />

brasero ; on disposa par terre un coussin. Quelques instants<br />

plus tard, on entendit la voix de Denshichirō derrière <strong>le</strong> shoji :<br />

— Mon frère est là ?<br />

Seijūrō songea nostalgiquement : «Enfin !... » Bien qu’il eût<br />

demandé Denshichirō, il redoutait d’être vu dans l’état où il se<br />

trouvait, même par son frère... non, surtout par son frère. A<br />

l’entrée de Denshichirō, Seijūrō <strong>le</strong>va des yeux tristes, <strong>et</strong> tenta,<br />

sans y parvenir, de sourire. Denshichirō prit la paro<strong>le</strong> avec<br />

entrain.<br />

— ... Tu vois bien, dit-il en riant. Quand tu as des ennuis,<br />

ton bon à rien de frère revient t’aider. J’ai tout laissé là, <strong>et</strong> je<br />

suis venu aussi vite que j’ai pu. Nous nous sommes arrêtés à<br />

Osaka pour nous approvisionner, puis nous avons voyagé toute<br />

la nuit. Maintenant, je suis là ; tu n’as donc plus à t’inquiéter.<br />

Quoi qu’il arrive, je ne laisserai pas une âme toucher un cheveu<br />

de l’éco<strong>le</strong>... Qu’est-ce que c’est que ça ? dit-il d’un ton bourru à<br />

un serviteur qui venait d’apporter du thé. Je n’ai pas besoin de<br />

thé ! Va me préparer du saké.<br />

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