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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Et pourquoi non ?<br />

— Otsū m’a dit de ne pas m’en soucier. El<strong>le</strong> a dit que je<br />

devais rentrer droit à la maison en courant pour te dire...<br />

— Me dire quoi ?<br />

— Takezō, de l’autre côté de la rivière... El<strong>le</strong> a dit qu’el<strong>le</strong><br />

l’avait vu. A la fête.<br />

<strong>La</strong> voix d’Osugi baissa d’une octave.<br />

— Vraiment ? El<strong>le</strong> a vraiment dit ça, Heita ?<br />

— Oui, grand-mère.<br />

Son robuste corps parut tout d’un coup perdre son énergie,<br />

<strong>et</strong> ses yeux se voilèrent de larmes. El<strong>le</strong> se r<strong>et</strong>ourna <strong>le</strong>ntement,<br />

comme si el<strong>le</strong> se fût attendue à voir son fils debout derrière el<strong>le</strong>.<br />

Ne voyant personne, el<strong>le</strong> revint à sa position première.<br />

— Heita, dit-el<strong>le</strong> soudain, continue à cueillir ces feuil<strong>le</strong>s de<br />

mûrier.<br />

— Où vas-tu ?<br />

— A la maison. Si Takezō est de r<strong>et</strong>our, Matahachi doit l’être<br />

aussi.<br />

— Je viens aussi.<br />

— Non, tu ne viens pas. Ne sois pas assommant, Heita.<br />

<strong>La</strong> vieil<strong>le</strong> s’éloigna à grands pas, laissant <strong>le</strong> p<strong>et</strong>it garçon<br />

aussi malheureux qu’un orphelin. <strong>La</strong> ferme, entourée de vieux<br />

chênes noueux, était vaste. Osugi la dépassa en courant, allant<br />

droit à la grange où travaillaient sa fil<strong>le</strong> <strong>et</strong> des ouvriers agrico<strong>le</strong>s.<br />

Encore à bonne distance, el<strong>le</strong> se mit à <strong>le</strong>ur crier de manière<br />

assez hystérique :<br />

— Matahachi est rentré à la maison ? Il est déjà là ?<br />

Saisis, ils la regardaient en ouvrant de grands yeux comme<br />

si el<strong>le</strong> avait perdu l’esprit. Enfin, l’un des hommes répondit<br />

« non », mais la vieil<strong>le</strong> femme ne parut pas entendre. On eût dit<br />

que dans son état de surexcitation, el<strong>le</strong> refusait de considérer<br />

« non » comme une réponse. Comme ils continuaient à la<br />

regarder avec inquiétude, el<strong>le</strong> se mit à <strong>le</strong>s traiter tous de crétins,<br />

<strong>et</strong> à <strong>le</strong>ur expliquer ce qu’el<strong>le</strong> avait appris de Heita : si Takezō<br />

était rentré, alors Matahachi devait l’être aussi. Puis, reprenant<br />

son rô<strong>le</strong> de commandant en chef, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s envoya dans toutes <strong>le</strong>s<br />

directions <strong>le</strong> chercher. El<strong>le</strong>-même resta à la maison où, chaque<br />

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