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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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En un rien de temps, ils eurent vidé trois grosses jarres.<br />

Okō, appuyée contre Matahachi, se mit à <strong>le</strong> cajo<strong>le</strong>r de tel<strong>le</strong> sorte<br />

que Takezō, gêné, détourna la tête.<br />

— Je... je... ne peux plus marcher, marmonna Okō, soû<strong>le</strong>.<br />

Matahachi l’escorta jusqu’à sa couche, sa tête reposant<br />

lourdement sur son épau<strong>le</strong>. Une fois là, el<strong>le</strong> se tourna vers<br />

Takezō <strong>et</strong> lui dit avec rancune :<br />

— Vous, Takezō, vous dormirez là-bas, tout seul. Vous<br />

aimez dormir seul, hein ?<br />

Sans un murmure, il se coucha où il se trouvait. Il était ivre,<br />

<strong>et</strong> la nuit était fort avancée.<br />

A son réveil, il faisait grand jour. Dès qu’il ouvrit <strong>le</strong>s yeux, il<br />

<strong>le</strong> sentit. Quelque chose lui dit que la maison était vide. Les<br />

obj<strong>et</strong>s qu’Okō <strong>et</strong> Akemi avaient la veil<strong>le</strong> entassés pour <strong>le</strong> voyage<br />

avaient disparu. Il n’y avait plus ni vêtements, ni sanda<strong>le</strong>s... ni<br />

Matahachi.<br />

Il appela mais ne reçut pas de réponse, <strong>et</strong> il n’en espérait<br />

pas. Une maison vide a une aura particulière. Personne dans la<br />

cour, personne derrière la maison, personne au bûcher. Seu<strong>le</strong><br />

trace de ses compagnons : un peigne rouge vif à côté de la<br />

bouche ouverte de la conduite d’eau.<br />

« Matahachi est un porc ! » se dit-il.<br />

En flairant <strong>le</strong> peigne, il se rappela de nouveau comment Okō<br />

avait tenté de <strong>le</strong> séduire, ce soir-là, il n’y avait pas longtemps.<br />

« Voilà ce qui a vaincu Matahachi », pensa-t-il. C<strong>et</strong>te seu<strong>le</strong> idée<br />

<strong>le</strong> faisait bouillir de colère.<br />

— Fou ! cria-t-il à voix haute. Et que devient Otsū, dans tout<br />

ça ? Qu’as-tu l’intention de faire à son suj<strong>et</strong> ? Ne l’as-tu pas déjà<br />

assez trahie comme ça, espèce de cochon ?<br />

Il piétina <strong>le</strong> peigne bon marché. Il en aurait p<strong>le</strong>uré de rage,<br />

non sur lui-même, mais par pitié pour Otsū qu’il imaginait si<br />

n<strong>et</strong>tement en train d’attendre, là-bas, au village.<br />

Il était assis, désolé, à la cuisine, quand <strong>le</strong> cheval égaré<br />

passa à travers <strong>le</strong> seuil sa tête impassib<strong>le</strong>. Comme Takezō<br />

refusait de lui flatter <strong>le</strong>s naseaux, il se rendit d’un pas<br />

nonchalant à l’évier, <strong>et</strong> se mit à lécher paresseusement des<br />

grains de riz qui s’y étaient collés.<br />

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