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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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embrumait la vue, mais il était bien décidé à mourir avec<br />

magnificence, s’il fallait mourir.<br />

A sa stupéfaction, l’attaque ne se produisit jamais. Au lieu<br />

de lui porter <strong>le</strong>s coups attendus, <strong>le</strong>s prêtres tombèrent comme<br />

des chiens enragés sur <strong>le</strong>urs précédents alliés, traquant <strong>le</strong>s<br />

rōnins qui avaient fui <strong>et</strong> <strong>le</strong>s frappant sans merci malgré <strong>le</strong>urs<br />

cris de protestation. Les rōnins sans défiance, qui tentaient en<br />

vain de diriger <strong>le</strong>s lanciers vers Musashi, furent pourfendus,<br />

embrochés, coupés en deux <strong>et</strong> autrement massacrés jusqu’à ce<br />

qu’il n’en restât pas un seul de vivant. Le carnage fut aussi<br />

compl<strong>et</strong> que sanguinaire.<br />

Musashi n’en croyait pas ses yeux. Pourquoi <strong>le</strong>s prêtres<br />

s’étaient-ils attaqués à <strong>le</strong>urs partisans ? Et pourquoi avec une<br />

tel<strong>le</strong> sauvagerie ? Lui-même, quelques instants seu<strong>le</strong>ment<br />

auparavant, avait combattu comme une bête sauvage ;<br />

maintenant, il avait peine à supporter la férocité avec laquel<strong>le</strong><br />

ces prêtres m<strong>et</strong>taient à mort <strong>le</strong>s rōnins. Ayant été un temps<br />

métamorphosé en bête brute, la vue d’autres hommes ainsi<br />

transformés <strong>le</strong> rendait à son état normal. C’était dégrisant.<br />

Alors, il eut conscience qu’on <strong>le</strong> tirait par <strong>le</strong>s bras <strong>et</strong> par <strong>le</strong>s<br />

jambes. Baissant <strong>le</strong>s yeux, il vit Jōtarō qui versait des larmes de<br />

soulagement. Pour la première fois, il se détendit.<br />

Cependant que la batail<strong>le</strong> prenait fin, l’abbé s’approcha de<br />

lui, <strong>et</strong> lui dit avec politesse <strong>et</strong> dignité :<br />

— Vous êtes Miyamoto, je crois. C’est un honneur que de<br />

vous rencontrer.<br />

Il était grand, <strong>et</strong> avait <strong>le</strong> teint clair. Son aspect, son calme,<br />

impressionnèrent un peu Musashi. Assez confus, il essuya son<br />

<strong>sabre</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> mit au fourreau, mais <strong>le</strong>s mots lui manquèrent.<br />

— ... Perm<strong>et</strong>tez-moi de me présenter, reprit <strong>le</strong> prêtre. Je suis<br />

Inshun, abbé du Hōzōin.<br />

— Ainsi, vous êtes <strong>le</strong> maître de la lance, dit Musashi.<br />

— Je regr<strong>et</strong>te d’avoir été absent lors de votre visite récente.<br />

Je suis éga<strong>le</strong>ment confus que mon discip<strong>le</strong> Agon se soit si mal<br />

battu.<br />

Confus à cause du combat d’Agon ? Musashi se dit que peutêtre<br />

il avait mal entendu. Il observa quelques instants de<br />

si<strong>le</strong>nce, car avant de pouvoir se décider sur la manière adéquate<br />

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