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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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tendus à se rompre. Il savait que sa vie se trouvait en danger,<br />

mais pourquoi ?<br />

« Est-ce un repaire de brigands ? » commença-t-il par se<br />

demander ; mais non. S’il s’était agi de vo<strong>le</strong>urs professionnels,<br />

ils auraient su qu’il n’avait rien qui méritât d’être volé.<br />

« A-t-il quelque chose contre moi ? » Cela ne semblait pas<br />

tenir non plus. Musashi avait la certitude absolue de n’avoir<br />

jamais vu Baiken auparavant.<br />

Sans en comprendre <strong>le</strong> motif, il sentait dans sa chair que<br />

quelqu’un ou quelque chose menaçait son existence même. Il<br />

savait aussi que ce mystérieux adversaire était tout proche ; il<br />

fallait décider rapidement s’il allait rester couché à attendre sa<br />

venue, ou s’abriter à temps.<br />

Passant la main sur <strong>le</strong> seuil de la forge, il tâtonna à la<br />

recherche de ses sanda<strong>le</strong>s. Il enfila l’une, puis l’autre, sous la<br />

couverture, au pied du lit.<br />

<strong>La</strong> roue se remit à tournoyer. A la lueur du feu, el<strong>le</strong> tournait<br />

comme une f<strong>le</strong>ur ensorcelée. Il y avait des bruits de pas à peine<br />

audib<strong>le</strong>s, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison, tandis<br />

que Musashi tassait en si<strong>le</strong>nce la literie pour lui donner grosso<br />

modo la forme d’un corps humain.<br />

Sous <strong>le</strong> court rideau pendu au seuil parurent deux yeux<br />

appartenant à un homme qui entrait en rampant, son <strong>sabre</strong><br />

dégainé. Un autre, portant une lance <strong>et</strong> rasant <strong>le</strong> mur, se glissa<br />

au pied du lit. Tout deux regardaient fixement la literie en<br />

écoutant la respiration du dormeur. Puis, comme un nuage de<br />

fumée, un troisième bondit en avant. C’était Baiken, qui tenait<br />

la faucil<strong>le</strong> dans la main gauche <strong>et</strong> la bou<strong>le</strong> dans la droite.<br />

Les regards des hommes se croisèrent, <strong>et</strong> ils<br />

synchronisèrent <strong>le</strong>ur souff<strong>le</strong>. L’homme qui se trouvait au chev<strong>et</strong><br />

du lit envoya d’un coup de pied l’oreil<strong>le</strong>r en l’air, <strong>et</strong> l’homme qui<br />

se trouvait au pied, sautant dans la forge, visa de sa lance la<br />

forme couchée. Cachant derrière son dos la faucil<strong>le</strong>, Baiken<br />

cria :<br />

— Debout, Musashi !<br />

Aucune réponse ne vint du lit immobi<strong>le</strong>. L’homme à la lance<br />

rej<strong>et</strong>a <strong>le</strong>s couvertures.<br />

— Il n’est pas là ! cria-t-il.<br />

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