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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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moyen de l’arrêter avec une simp<strong>le</strong> bride, même si Jōtarō en<br />

avait connu <strong>le</strong> maniement. Sa b<strong>le</strong>ssure à vif la brûlant comme<br />

une torche, el<strong>le</strong> filait aveuglément droit devant el<strong>le</strong>, grimpait <strong>et</strong><br />

descendait <strong>le</strong>s côtes, traversait <strong>le</strong>s villages. Simp<strong>le</strong> chance, si<br />

Jōtarō évita d’être j<strong>et</strong>é bas.<br />

— Attention ! Attention ! Attention ! ne cessait-il de crier.<br />

Ce mot était devenu une litanie. S’agripper à la crinière ne<br />

suffisant plus, l’enfant enserrait étroitement de ses bras<br />

l’encolure de la jument. Il fermait <strong>le</strong>s yeux.<br />

Quand la croupe de l’animal s’é<strong>le</strong>vait dans <strong>le</strong>s airs, Jōtarō<br />

suivait <strong>le</strong> mouvement. Comme il apparaissait de plus en plus<br />

que ses cris ne donnaient aucun résultat, ses supplications<br />

cédèrent peu à peu la place à un gémissement de détresse.<br />

Lorsqu’il avait supplié Otsū de <strong>le</strong> laisser juste une fois monter à<br />

cheval, il s’était dit qu’il serait magnifique de galoper à son gré<br />

sur un sp<strong>le</strong>ndide coursier ; mais au bout de quelques minutes de<br />

c<strong>et</strong>te inferna<strong>le</strong> chevauchée, il en avait eu par-dessus la tête.<br />

Il espérait que quelqu’un – n’importe qui – se porterait<br />

bravement volontaire pour empoigner la corde volante <strong>et</strong><br />

arrêter la jument. En quoi il péchait par excès d’optimisme : ni<br />

<strong>le</strong>s voyageurs, ni <strong>le</strong>s villageois ne voulaient risquer un mauvais<br />

coup dans une affaire qui ne <strong>le</strong>s regardait pas. Loin de porter<br />

secours, chacun se garait au bord de la route en criant des<br />

injures à celui qui <strong>le</strong>ur paraissait être un cavalier irresponsab<strong>le</strong>.<br />

En un rien de temps, Jōtarō dépassa <strong>le</strong> village de Mikumo,<br />

<strong>et</strong> atteignit la vil<strong>le</strong> de Natsumi, avec son auberge. S’il avait été<br />

un cavalier émérite, parfaitement maître de sa monture, il<br />

aurait pu, en s’abritant <strong>le</strong>s yeux de la main, contemp<strong>le</strong>r<br />

calmement <strong>le</strong>s magnifiques montagnes <strong>et</strong> vallées d’Iga : <strong>le</strong>s pics<br />

de Nunibiki, la rivière Yokota <strong>et</strong>, au loin, <strong>le</strong>s eaux pareil<strong>le</strong>s à un<br />

miroir du lac Biwa.<br />

— ... Arrête ! Arrête ! Arrête !<br />

Les mots de sa litanie avaient changé ; <strong>le</strong> ton de sa voix était<br />

plus affolé. Alors qu’ils commençaient à descendre la colline de<br />

Kōji, son cri se modifia de nouveau brusquement :<br />

— ... Au secours ! cria-t-il.<br />

<strong>La</strong> jument descendit en trombe la pente abrupte ; sur son<br />

dos, Jōtarō rebondissait comme un ballon.<br />

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