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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Il songeait à Oda Nobunaga <strong>et</strong> à Toyotomi Hideyoshi, à <strong>le</strong>ur<br />

idéal d’unification du Japon, <strong>et</strong> aux nombreuses batail<strong>le</strong>s qu’ils<br />

avaient livrées à c<strong>et</strong>te fin. Mais il était clair que <strong>le</strong> chemin qui<br />

menait à la grandeur ne passait plus par la victoire dans <strong>le</strong>s<br />

batail<strong>le</strong>s. Aujourd’hui, <strong>le</strong>s gens ne voulaient que la paix dont ils<br />

avaient eu si longtemps soif. Et en considérant la longue, longue<br />

lutte que Tokugawa Ieyasu avait dû endurer pour transformer<br />

son désir en réalité, il se rendait compte une fois de plus de la<br />

difficulté qu’il y avait à se cramponner à son idéal.<br />

« Il s’agit d’une ère nouvel<strong>le</strong>, se disait-il. J’ai devant moi <strong>le</strong><br />

restant de mes jours. Je suis venu trop tard pour suivre <strong>le</strong>s<br />

traces de Nobunaga ou de Hideyoshi, mais je n’en puis pas<br />

moins rêver de conquérir mon propre monde. Nul ne saurait<br />

m’en empêcher. Même ce porteur de palanquin doit avoir une<br />

ambition quelconque. »<br />

Durant un moment, il chassa de son esprit ces idées pour<br />

essayer d’envisager sa situation de manière objective. Il<br />

possédait son <strong>sabre</strong>, <strong>et</strong> la Voie du Sabre était cel<strong>le</strong> qu’il avait<br />

choisie. Peut-être était-il bel <strong>et</strong> bon d’être un Hideyoshi ou un<br />

Ieyasu, mais l’époque n’avait plus besoin d’hommes de ce ta<strong>le</strong>nt<br />

particulier. Ieyasu avait tout bien mis en ordre ; plus n’était<br />

besoin de guerres sanglantes. A Kyoto qui s’étendait aux pieds<br />

de Musashi, la vie avait cessé d’être une affaire p<strong>le</strong>ine de risque.<br />

Pour Musashi, l’important désormais serait son <strong>sabre</strong> <strong>et</strong> la<br />

société autour de lui, puisque son art du <strong>sabre</strong> était lié à son<br />

existence d’être humain. En un éclair d’intuition, il fut heureux<br />

d’avoir trouvé la relation entre <strong>le</strong>s arts martiaux <strong>et</strong> ses propres<br />

idéaux de grandeur.<br />

Comme il était assis, perdu dans ses pensées, <strong>le</strong> visage du<br />

porteur de palanquin reparut au pied de la falaise. Il désignait<br />

Musashi avec sa perche de bambou en criant :<br />

— Le voilà, là-haut !<br />

Musashi baissa <strong>le</strong>s yeux vers l’endroit où <strong>le</strong>s porteurs<br />

s’agitaient en vociférant. Ils se mirent à grimper la colline dans<br />

sa direction. Il se <strong>le</strong>va <strong>et</strong>, tâchant de <strong>le</strong>s ignorer, continua son<br />

ascension ; mais il s’aperçut bientôt que sa route était barrée.<br />

Bras contre bras, brandissant <strong>le</strong>urs perches, un important<br />

groupe d’hommes l’encerclait à distance. Regardant par-dessus<br />

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