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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Sa tête était toujours là, heureusement, <strong>et</strong> pour autant qu’il<br />

pouvait <strong>le</strong> dire il se trouvait indemne.<br />

— Vous comprenez, maintenant ? demanda l’ado<strong>le</strong>scent qui<br />

tourna <strong>le</strong> dos <strong>et</strong> s’éloigna entre <strong>le</strong>s pi<strong>le</strong>s de bagages.<br />

Tōji était déjà cramoisi de honte quand, baissant <strong>le</strong>s yeux<br />

sur un fragment du pont illuminé par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il, il vit un obj<strong>et</strong><br />

d’aspect bizarre, quelque chose comme un p<strong>et</strong>it pinceau. Une<br />

idée affreuse lui traversa l’esprit, <strong>et</strong> il porta la main au somm<strong>et</strong><br />

de sa tête. Son toup<strong>et</strong> avait disparu ! Son précieux toup<strong>et</strong>...<br />

l’orgueil <strong>et</strong> la joie de tout samouraï ! L’horreur peinte sur la<br />

figure, il se frotta <strong>le</strong> somm<strong>et</strong> du crâne <strong>et</strong> constata que <strong>le</strong> ruban<br />

qui liait ses cheveux par-derrière était défait. Les mèches qu’il<br />

avait maintenues ensemb<strong>le</strong> s’étaient déployées en éventail sur<br />

son cuir chevelu.<br />

— ... Le salaud !<br />

Il fut pris d’une fureur noire. Il ne savait maintenant que<br />

trop bien que l’ado<strong>le</strong>scent n’avait ni menti ni exprimé une<br />

creuse vantardise. Sa jeunesse ne l’empêchait pas d’être un<br />

remarquab<strong>le</strong> homme d’épée. Tōji était stupéfait qu’un être aussi<br />

jeune pût se montrer aussi habi<strong>le</strong> ; mais <strong>le</strong> respect qu’il<br />

éprouvait avec son esprit était une chose, <strong>et</strong> la colère qui lui<br />

agitait <strong>le</strong> cœur en était une autre.<br />

Quand il re<strong>le</strong>va la tête pour regarder vers l’avant, il vit que<br />

l’ado<strong>le</strong>scent, r<strong>et</strong>ourné à sa place précédente, cherchait quelque<br />

chose autour de lui sur <strong>le</strong> pont. De toute évidence, il ne se<br />

méfiait pas, <strong>et</strong> Tōji sentit que l’occasion d’une revanche se<br />

présentait là. Il cracha sur la poignée de son <strong>sabre</strong>, l’empoigna<br />

fermement, <strong>et</strong> se glissa derrière son persécuteur. Il n’était pas<br />

sûr de savoir assez bien viser pour en<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> toup<strong>et</strong> de l’homme<br />

sans en<strong>le</strong>ver la tête avec, mais il ne s’en souciait guère. Le corps<br />

gonflé, rouge, <strong>le</strong> souff<strong>le</strong> court, il s’arma de courage pour frapper.<br />

A c<strong>et</strong> instant précis, il y eut un bran<strong>le</strong>bas parmi <strong>le</strong>s<br />

marchands qui jouaient aux cartes :<br />

— Qu’est-ce qui se passe, ici ? Il n’y a pas assez de cartes !<br />

— Où sont-el<strong>le</strong>s passées ?<br />

— Regardez donc là-bas !<br />

— J’ai déjà regardé.<br />

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