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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Jōtarō parvint bien à dégager son <strong>sabre</strong> de bois de son obi,<br />

mais non sa tête de l’étau du bras d’Osugi. Tous ses coups de<br />

pieds <strong>et</strong> ses battements de mains travaillaient contre lui car ils<br />

augmentaient la confiance en soi de la vieil<strong>le</strong>.<br />

— Pauvre mioche ! s’écria-t-el<strong>le</strong> avec mépris. Qu’essaies-tu<br />

de faire ? D’imiter la grenouil<strong>le</strong> ?<br />

Ses incisives saillantes lui donnaient l’air d’avoir un bec-delièvre,<br />

mais el<strong>le</strong> avait une expression de hideux triomphe. Pas à<br />

pas, el<strong>le</strong> se rapprochait d’Otsū.<br />

Tandis qu’el<strong>le</strong> dévorait d’un œil furibond la jeune fil<strong>le</strong><br />

terrifiée, sa ruse naturel<strong>le</strong> reprit <strong>le</strong> dessus. Dans un éclair, el<strong>le</strong><br />

comprit qu’el<strong>le</strong> s’y prenait mal. Si son adversaire eût été<br />

Musashi, la ruse eût été inuti<strong>le</strong> ; mais l’ennemie qu’el<strong>le</strong> avait<br />

devant el<strong>le</strong> était Otsū – la tendre, l’innocente Otsū – à laquel<strong>le</strong><br />

on pouvait probab<strong>le</strong>ment faire croire n’importe quoi pourvu<br />

qu’on <strong>le</strong> lui dît avec douceur <strong>et</strong> un air de sincérité. D’abord la<br />

ligoter par des paro<strong>le</strong>s, songeait Osugi, puis la faire rôtir pour <strong>le</strong><br />

dîner.<br />

— ... Otsū ! appela-t-el<strong>le</strong> d’un ton véritab<strong>le</strong>ment poignant.<br />

Pourquoi te sauves-tu ? Qu’est-ce qui te fait fuir aussitôt que tu<br />

m’aperçois ? Tu as fait la même chose à la maison de thé<br />

Mikazuki. Je ne comprends pas. Tu dois t’imaginer des choses.<br />

Je n’ai pas la moindre intention de te faire du mal.<br />

Une expression de doute eff<strong>le</strong>ura <strong>le</strong> visage d’Otsū ; mais<br />

Jōtarō, toujours captif, demanda :<br />

— C’est bien vrai, grand-mère ? Vous par<strong>le</strong>z sincèrement ?<br />

— Mais bien sûr. Otsū ne comprend pas ce que je ressens<br />

vraiment. El<strong>le</strong> semb<strong>le</strong> avoir peur de moi.<br />

— Si vous par<strong>le</strong>z sincèrement, lâchez-moi, <strong>et</strong> je vais vous la<br />

chercher.<br />

— Pas si vite. Si je te laisse al<strong>le</strong>r, qu’est-ce qui me dit que tu<br />

ne me frapperas pas avec ton <strong>sabre</strong> <strong>et</strong> que tu ne t’enfuiras pas ?<br />

— Me prenez-vous pour un lâche ? Je ne ferais jamais rien<br />

de pareil. Il me semb<strong>le</strong> que nous nous battons pour rien. Il y a<br />

une erreur quelque part.<br />

— Bien. Va voir Otsū, <strong>et</strong> dis-lui que je ne suis plus fâchée<br />

contre el<strong>le</strong>. Je l’ai été, mais c’est de l’histoire ancienne. Depuis la<br />

mort d’onc<strong>le</strong> Gon, j’erre toute seu<strong>le</strong> en portant ses cendres à<br />

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