14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

— Peut-être que de son point de vue, c’est nous qui sommes<br />

étranges.<br />

— C’est exactement ce qu’il affirme.<br />

— Combien de temps va-t-il rester ici ?<br />

— Comment savoir ? Il arrive un jour, <strong>et</strong> disparaît <strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>ndemain.<br />

Debout près de la véranda, Takuan cria :<br />

— J’entends tout ce que tu dis !<br />

— Eh bien, nous ne disons rien de mal, répondit gaiement<br />

Otsū.<br />

— Ça m’est égal que tu dises du mal de moi si cela t’amuse,<br />

mais tu pourrais au moins me donner des gâteaux pour<br />

accompagner mon thé.<br />

— Vous voyez, commenta Otsū. Il est tout <strong>le</strong> temps comme<br />

ça.<br />

— Qu’entends-tu par : je suis « comme ça » ?<br />

L’œil de Takuan pétillait.<br />

— ... Et toi, donc ? Tu es assise là, avec l’air d’une personne<br />

qui ne ferait pas de mal à une mouche, <strong>et</strong> tu agis avec beaucoup<br />

plus de cruauté, de manque de cœur, que je ne <strong>le</strong> ferais jamais.<br />

— Ah ! vraiment ? Et en quoi suis-je cruel<strong>le</strong> <strong>et</strong> sans cœur ?<br />

— En me laissant ici, dehors, tout seul, sans autre chose que<br />

du thé, alors que tu fais salon en p<strong>le</strong>urnichant sur ton amoureux<br />

perdu... voilà en quoi !<br />

Les cloches sonnaient au Daishōji <strong>et</strong> au Shippōji. El<strong>le</strong>s<br />

avaient commencé de façon régulière depuis l’aube, <strong>et</strong><br />

continuaient de sonner par intermittence, bien que midi fût<br />

depuis longtemps passé. Dans la matinée, une procession<br />

continue affluait aux temp<strong>le</strong>s : jeunes fil<strong>le</strong>s en obi rouge,<br />

épouses de commerçants portant des tons plus discr<strong>et</strong>s, <strong>et</strong>, çà <strong>et</strong><br />

là, une vieil<strong>le</strong> femme en kimono foncé, conduisant ses p<strong>et</strong>itsenfants<br />

par la main. Au Shippōji, la p<strong>et</strong>ite sal<strong>le</strong> principa<strong>le</strong> était<br />

p<strong>le</strong>ine de fidè<strong>le</strong>s, mais <strong>le</strong>s jeunes hommes qui se trouvaient<br />

parmi eux semblaient plus désireux d’apercevoir Otsū que de<br />

prendre part à la cérémonie religieuse.<br />

— El<strong>le</strong> est bien là, chuchota l’un d’eux.<br />

— Plus jolie que jamais, ajouta un autre.<br />

59

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!