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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Ça n’est pas une chose à faire, n’est-ce pas ?<br />

— Je vous ai loya<strong>le</strong>ment prévenu !<br />

— Comment ça ?<br />

— Vous n’avez donc pas d’yeux <strong>et</strong> d’oreil<strong>le</strong>s ?<br />

— Si<strong>le</strong>nce ! Je suis un passager à bord de ce bateau. Plus : je<br />

suis un samouraï. Croyez-vous donc que je vais répondre quand<br />

un simp<strong>le</strong> capitaine de bateau, dressé devant ses clients, brail<strong>le</strong><br />

comme s’il était <strong>le</strong>ur seigneur <strong>et</strong> maître ?<br />

— Pas d’impertinence ! J’ai répété ma mise en garde à trois<br />

reprises. Vous devez m’avoir entendu. Même si ma façon de<br />

m’exprimer vous déplaisait, vous auriez pu montrer un peu de<br />

considération pour <strong>le</strong>s gens que votre singe incommodait.<br />

— Quel<strong>le</strong>s gens ? Ah ! vous vou<strong>le</strong>z dire c<strong>et</strong>te bande de<br />

commerçants qui jouaient pour de l’argent derrière <strong>le</strong>ur rideau ?<br />

— Surveil<strong>le</strong>z vos paro<strong>le</strong>s ! Ils ont payé <strong>le</strong>ur traversée trois<br />

fois plus cher que <strong>le</strong>s autres.<br />

— Ce n’en sont pas moins de vils marchands écervelés qui<br />

j<strong>et</strong>tent ostensib<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>ur or par <strong>le</strong>s fenêtres, boivent <strong>le</strong>ur saké,<br />

<strong>et</strong> se conduisent en maîtres du navire. Je <strong>le</strong>s ai observés, <strong>et</strong> ils<br />

ne me plaisent pas du tout. Le singe s’est enfui avec <strong>le</strong>urs<br />

cartes ; la bel<strong>le</strong> affaire ! Ce n’est pas moi qui l’y ai poussé. Il n’a<br />

fait que <strong>le</strong>s imiter. Je ne vois pas là matière à présenter des<br />

excuses !<br />

Le jeune homme, en regardant fixement <strong>le</strong>s riches<br />

marchands, éclata d’un grand rire sardonique.<br />

Le coquillage de l’oubli<br />

Le soir était tombé quand <strong>le</strong> navire entra dans <strong>le</strong> port de<br />

Kizugawa, accueilli par l’odeur tenace du poisson. Des lumières<br />

rougeâtres clignaient sur la côte, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s vagues clapotaient à<br />

l’arrière-plan. Peu à peu, la distance entre <strong>le</strong>s voix plus fortes<br />

qui venaient du navire <strong>et</strong> cel<strong>le</strong>s qui s’é<strong>le</strong>vaient du rivage<br />

s’annula. Dans une éclaboussure blanche, on j<strong>et</strong>a l’ancre ; on<br />

lança des cordages, <strong>et</strong> la passerel<strong>le</strong> fut mise en place.<br />

Une rafa<strong>le</strong> de cris excités remplit l’air :<br />

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