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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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l’avaient porté sans encombre à travers l’obscurité depuis la<br />

colline de Yoshida mais maintenant ils refusaient d’al<strong>le</strong>r plus<br />

avant.<br />

Dans l’ombre de la digue, il rassembla des brindil<strong>le</strong>s, de<br />

p<strong>et</strong>its morceaux de bois <strong>et</strong> tout ce qui pouvait brû<strong>le</strong>r, <strong>et</strong> gratta<br />

son briqu<strong>et</strong>. <strong>La</strong> première <strong>et</strong> minuscu<strong>le</strong> flamme requit du travail<br />

<strong>et</strong> de la patience, mais des feuil<strong>le</strong>s sèches finirent par prendre.<br />

Avec des soins de bûcheron, Musashi entassa bouts de bois <strong>et</strong><br />

p<strong>et</strong>ites branches. Le feu s’anima vite, <strong>et</strong> <strong>le</strong> vent <strong>le</strong> poussa vers<br />

celui qui l’avait fait, prêt à lui gril<strong>le</strong>r <strong>le</strong> visage.<br />

Musashi prit <strong>le</strong>s gâteaux de riz que lui avait donnés sa tante,<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong>s fit rôtir l’un après l’autre dans <strong>le</strong>s flammes. Ils brunirent<br />

<strong>et</strong> gonflèrent comme des bul<strong>le</strong>s, lui rappelant <strong>le</strong>s fêtes du<br />

Nouvel An de son enfance. Ces gâteaux de riz n’avaient d’autre<br />

goût que <strong>le</strong> <strong>le</strong>ur ; ils n’étaient ni salés ni sucrés. A <strong>le</strong>s mâcher, il<br />

trouva que ce riz nature avait <strong>le</strong> goût du monde réel qui<br />

l’entourait. « Je fête mon propre Nouvel An », songea-t-il avec<br />

bonheur. Tandis qu’il se chauffait la figure aux flammes <strong>et</strong> se<br />

remplissait l’estomac, toute l’affaire commença à lui paraître<br />

assez amusante. « Voilà de bonnes fêtes de Nouvel An ! Si même<br />

un vagabond tel que moi a droit à cinq bons gâteaux de riz, alors<br />

ce doit être que <strong>le</strong> ciel perm<strong>et</strong> à tout <strong>le</strong> monde de célébrer d’une<br />

manière ou d’une autre <strong>le</strong> Nouvel An. J’ai la rivière Kamo pour<br />

compagne, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s trente-six pics de Higashiyama décorent mon<br />

sapin ! Je dois me purifier <strong>le</strong> corps pour attendre <strong>le</strong> premier<br />

<strong>le</strong>ver du so<strong>le</strong>il. »<br />

Au bord de la rivière glacée, il détacha son obi, en<strong>le</strong>va son<br />

kimono <strong>et</strong> ses sous-vêtements ; puis il plongea <strong>et</strong> fit une toil<strong>et</strong>te<br />

complète en éclaboussant partout comme un oiseau aquatique.<br />

Il était debout sur la berge à s’essuyer vigoureusement<br />

lorsque <strong>le</strong>s premiers rayons de l’aube percèrent un nuage ; il<br />

sentit <strong>le</strong>ur cha<strong>le</strong>ur sur son dos. Il regarda vers <strong>le</strong> feu, <strong>et</strong> vit<br />

quelqu’un debout sur la digue qui <strong>le</strong> surplombait, un autre<br />

voyageur, différent par l’âge <strong>et</strong> l’aspect, amené là par <strong>le</strong> destin :<br />

Osugi.<br />

<strong>La</strong> vieil<strong>le</strong> femme l’avait vu, el<strong>le</strong> aussi, <strong>et</strong> s’exclamait dans<br />

son cœur : « Le voilà ! Le fauteur de troub<strong>le</strong> est là ! » Submergée<br />

par la joie <strong>et</strong> la peur, el<strong>le</strong> faillit se trouver mal. El<strong>le</strong> voulut<br />

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