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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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connu <strong>le</strong> peigne depuis un an pour <strong>le</strong> moins, étaient liés en<br />

arrière, n’importe comment, en touffe roussâtre, <strong>et</strong> il portait des<br />

vêtements trop sa<strong>le</strong>s pour que l’on pût dire s’ils étaient noirs ou<br />

bruns, unis ou non. Le serviteur, tout en adm<strong>et</strong>tant qu’il pouvait<br />

se tromper, pensait que l’homme sentait mauvais. Il portait sur<br />

<strong>le</strong> dos l’un de ces sacs en cuir tressé que l’on surnommait<br />

« servi<strong>et</strong>tes du guerrier », ce qui devait signifier qu’il s’agissait<br />

d’un shugyōsha, l’un de ces samouraïs, si nombreux à l’époque,<br />

qui erraient en consacrant toutes <strong>le</strong>urs heures de veil<strong>le</strong> à l’étude<br />

de l’escrime. Pourtant, l’impression d’ensemb<strong>le</strong> du serviteur<br />

était que <strong>le</strong>dit Musashi ne se trouvait nul<strong>le</strong>ment à sa place dans<br />

l’Eco<strong>le</strong> Yoshioka.<br />

Si l’homme n’avait fait que demander un repas, cela n’aurait<br />

posé aucun problème. Mais quand <strong>le</strong> groupe apprit que <strong>le</strong> rustre<br />

se présentait au grand portail pour défier au combat <strong>le</strong> célèbre<br />

Yoshioka Seijūrō, <strong>le</strong>s rires explosèrent. Certains étaient d’avis<br />

de reconduire sans autre forme de procès, tandis que d’autres<br />

disaient qu’il fallait d’abord savoir quel sty<strong>le</strong> il utilisait, <strong>et</strong> <strong>le</strong><br />

nom de son professeur.<br />

Le serviteur, aussi amusé que <strong>le</strong>s autres, sortit <strong>et</strong> revint<br />

rapporter que <strong>le</strong> visiteur avait, enfant, appris de son père l’usage<br />

du bâton, puis recueilli ce qu’il pouvait des guerriers qui<br />

passaient par <strong>le</strong> village. Parti de chez lui à dix-sept ans, il avait<br />

« pour des raisons personnel<strong>le</strong>s » consacré ses dix-huitième,<br />

dix-neuvième <strong>et</strong> vingtième années à des études d’érudition.<br />

Toute l’année précédente, il s’était trouvé seul dans <strong>le</strong>s<br />

montagnes, avec pour seuls maîtres <strong>le</strong>s arbres <strong>et</strong> <strong>le</strong>s esprits<br />

montagnards. En conséquence, il ne pouvait prétendre à aucun<br />

sty<strong>le</strong> ou professeur particuliers. Mais dans l’avenir, il espérait<br />

apprendre <strong>le</strong>s enseignements de Kiichi Hōgen, maîtriser<br />

l’essence du Sty<strong>le</strong> Kyōhachi, <strong>et</strong> rivaliser avec <strong>le</strong> grand Yoshioka<br />

Kempō en créant son sty<strong>le</strong> propre, qu’il avait déjà résolu de<br />

nommer <strong>le</strong> Sty<strong>le</strong> Miyamoto. Malgré ses nombreuses lacunes, tel<br />

était <strong>le</strong> but qu’il se proposait d’atteindre en travaillant de tout<br />

son cœur <strong>et</strong> de toute son âme.<br />

Il s’agissait là d’une réponse sincère <strong>et</strong> sans affectation,<br />

concédait <strong>le</strong> serviteur, mais l’homme avait l’accent de la<br />

campagne <strong>et</strong> bégayait presque à chaque mot. Le serviteur<br />

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