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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Il était maigre, pauvrement vêtu <strong>et</strong> grossier dans ses propos,<br />

mais il portait <strong>le</strong>s deux <strong>sabre</strong>s d’un samouraï. Akemi ne l’avait<br />

jamais vu, mais des habitués des débits de boisson proches<br />

auraient pu lui dire qu’il s’appelait Akakabe Yasoma, <strong>et</strong> qu’il<br />

traînait dans <strong>le</strong>s rues écartées, <strong>le</strong>s soirs d’hiver. Ses sanda<strong>le</strong>s de<br />

pail<strong>le</strong> usées claquaient tandis qu’il courait pour rattraper<br />

Akemi, <strong>et</strong> ramassait <strong>le</strong> bout défait du cordon de son obi.<br />

— ... Qu’est-ce que tu fais, toute seu<strong>le</strong>, dans c<strong>et</strong> endroit<br />

désert ? Je ne crois pas que tu sois l’une de ces fol<strong>le</strong>s que l’on<br />

voit dans <strong>le</strong>s pièces de théâtre kyōgen, hein ? Tu as une jolie<br />

figure. Pourquoi ne t’arranges-tu pas un peu <strong>le</strong>s cheveux, <strong>et</strong> ne<br />

flânes-tu pas comme <strong>le</strong>s autres fil<strong>le</strong>s ?<br />

Akemi poursuivait sa route en faisant la sourde oreil<strong>le</strong>, mais<br />

Yasoma prit à tort cela pour de la timidité.<br />

— ... Tu m’as l’air d’une fil<strong>le</strong> de la vil<strong>le</strong>. Qu’as-tu fait ? Tu t’es<br />

enfuie de chez toi ? Ou bien as-tu un mari à qui tu essaies<br />

d’échapper ?<br />

Akemi ne répondit pas.<br />

— ... Tu devrais faire attention, une jolie fil<strong>le</strong> comme toi, à<br />

errer comme ça dans la lune, comme si tu avais des<br />

embêtements quelconques. On ne sait jamais ce qui peut<br />

arriver. Nous n’avons pas <strong>le</strong> genre de vo<strong>le</strong>urs <strong>et</strong> de brigands qui<br />

s’aggloméraient autour de Rashōmon, mais <strong>le</strong>s maraudeurs ne<br />

manquent pas, <strong>et</strong> la vue d’une femme <strong>le</strong>ur m<strong>et</strong> l’eau à la bouche.<br />

Il y a aussi des vagabonds, des gens qui trafiquent des femmes.<br />

Akemi ne soufflait mot ; Yasoma n’en insistait pas moins,<br />

répondant à ses propres questions s’il <strong>le</strong> fallait.<br />

— ... C’est vraiment tout à fait dangereux. On dit<br />

qu’aujourd’hui des femmes de Kyoto se vendent très cher à Edo.<br />

Jadis, on emmenait <strong>le</strong>s femmes d’ici jusqu’à Hiraizumi, dans <strong>le</strong><br />

Nord-Est, mais maintenant c’est Edo. Parce que <strong>le</strong> deuxième<br />

Shōgun, Hid<strong>et</strong>ada, bâtit la vil<strong>le</strong> aussi vite qu’il peut. A l’heure<br />

actuel<strong>le</strong>, tous <strong>le</strong>s bordels de Kyoto y ouvrent des succursa<strong>le</strong>s.<br />

Akemi se taisait.<br />

— ... Tu aurais du succès n’importe où ; aussi, tu devrais<br />

faire attention. Si tu n’ouvres pas l’œil, tu risques de tomber<br />

dans <strong>le</strong>s griffes d’un chenapan. C’est terrib<strong>le</strong>ment dangereux !<br />

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