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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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L’image était grossièrement sculptée, mais il y avait mis tout<br />

son cœur, <strong>et</strong> versé des larmes de repentir en priant pour l’âme<br />

du jeune mort.<br />

A peine fut-il sorti de la pièce que Seinen y entra pour<br />

balayer <strong>le</strong> sol. Ayant remis en ordre la chambre, il prépara la<br />

couche de Musashi, <strong>et</strong>, <strong>le</strong> balai sur l’épau<strong>le</strong>, regagna sans se<br />

presser la cuisine. A l’insu de Musashi, tandis qu’il sculptait<br />

encore, une silhou<strong>et</strong>te pareil<strong>le</strong> à cel<strong>le</strong> d’un chat s’était faufilée à<br />

l’intérieur du Mudōji, par des portes que l’on ne fermait jamais<br />

à clé, jusque sur la véranda. Une fois Seinen hors de vue, <strong>le</strong> shoji<br />

qui donnait sur la véranda s’ouvrit si<strong>le</strong>ncieusement en glissant<br />

dans ses rainures, <strong>et</strong> se referma de même.<br />

Musashi revint avec ses présents de départ, un chapeau de<br />

vannerie <strong>et</strong> une paire de sanda<strong>le</strong>s de pail<strong>le</strong>. Il <strong>le</strong>s posa à côté de<br />

son oreil<strong>le</strong>r, éteignit la lampe <strong>et</strong> se glissa dans <strong>le</strong> lit. Les portes<br />

extérieures étaient ouvertes ; à travers <strong>le</strong>s corridors soufflait une<br />

brise légère. Il y avait juste assez de clair de lune pour donner<br />

une teinte d’un gris terne au papier du shoji. L’ombre des arbres<br />

se balançait avec douceur, pareil<strong>le</strong> à des vagues sur une vaste<br />

mer calme.<br />

Il ronflait légèrement ; son souff<strong>le</strong> devenait plus <strong>le</strong>nt à<br />

mesure qu’il sombrait plus profond dans <strong>le</strong> sommeil. En si<strong>le</strong>nce,<br />

<strong>le</strong> bord d’un p<strong>et</strong>it paravent situé dans un ang<strong>le</strong> s’avança, <strong>et</strong> une<br />

silhou<strong>et</strong>te sombre en sortit à quatre pattes, sans faire de bruit.<br />

Le ronf<strong>le</strong>ment cessa ; la forme noire s’aplatit rapidement au sol.<br />

Puis, tandis que la respiration redevenait régulière, l’intrus<br />

s’avança centimètre par centimètre, patient, prudent, en<br />

coordonnant ses mouvements avec <strong>le</strong> rythme de la respiration.<br />

Tout à coup, l’ombre se dressa comme un nuage de soie noire, <strong>et</strong><br />

s’abattit sur Musashi en criant :<br />

— Et maintenant, je vais t’apprendre !...<br />

Un <strong>sabre</strong> court vola vers <strong>le</strong> cou de Musashi. Mais l’arme<br />

dégringola d’un côté tandis que la forme noire repartait dans <strong>le</strong>s<br />

airs, pour atterrir avec fracas contre <strong>le</strong> shoji. L’envahisseur émit<br />

une seu<strong>le</strong> plainte puissante avant de débou<strong>le</strong>r avec <strong>le</strong> shoji dans<br />

<strong>le</strong>s ténèbres extérieures.<br />

A l’instant où Musashi effectua sa riposte, l’idée lui traversa<br />

l’esprit que l’être qu’il tenait entre ses mains était aussi léger<br />

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