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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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jeunes un type de connaissance qui n’était pas très populaire à<br />

l’époque : l’étude de l’histoire ancienne du Japon, que <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />

plus frivo<strong>le</strong>s considéraient comme sans intérêt. L’histoire<br />

primitive du pays se trouvait liée intimement au sanctuaire d’Ise<br />

<strong>et</strong> à ses terres, mais il s’agissait d’une époque où l’on avait<br />

tendance à confondre <strong>le</strong> destin de la nation avec celui de la<br />

classe guerrière, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s événements du lointain passé ne<br />

comptaient guère. Ujitomi menait un combat solitaire pour<br />

semer <strong>le</strong>s graines d’une culture antérieure, plus traditionnel<strong>le</strong>,<br />

parmi la jeunesse de la région. Alors que d’autres prétendaient<br />

que <strong>le</strong>s provinces n’avaient rien à voir avec <strong>le</strong> destin national,<br />

Ujitomi professait une opinion différente. S’il pouvait enseigner<br />

<strong>le</strong> passé aux enfants de l’endroit, il se disait que peut-être, un<br />

jour, l’esprit de ce passé s’épanouirait comme un grand arbre de<br />

la forêt sacrée.<br />

Avec une dévotion persévérante, il parlait chaque jour aux<br />

enfants des classiques chinois <strong>et</strong> des Anna<strong>le</strong>s anciennes, la plus<br />

vieil<strong>le</strong> histoire du Japon, dans l’espoir que ses élèves finiraient<br />

par apprécier ces ouvrages. Il faisait cela depuis plus de dix ans.<br />

D’après lui, Hideyoshi pouvait bien prendre la direction du pays<br />

<strong>et</strong> se proclamer régent, Tokugawa Ieyasu pouvait devenir <strong>le</strong><br />

tout-puissant Shōgun, « vainqueur des barbares », mais <strong>le</strong>s<br />

jeunes enfants ne devaient pas, comme <strong>le</strong>urs aînés, confondre<br />

l’heureuse étoi<strong>le</strong> de quelque héros militaire avec <strong>le</strong> beau so<strong>le</strong>il.<br />

Grâce aux patients efforts d’Ujitomi, <strong>le</strong>s jeunes en arriveraient à<br />

comprendre que c’était la grande déesse du so<strong>le</strong>il, <strong>et</strong> non pas un<br />

grossier guerrier dictateur, qui symbolisait <strong>le</strong>s aspirations<br />

nationa<strong>le</strong>s.<br />

Arakida sortait de sa vaste sal<strong>le</strong> de classe, <strong>le</strong> visage un peu<br />

mouillé de sueur. Tandis que <strong>le</strong>s enfants s’envolaient comme un<br />

essaim d’abeil<strong>le</strong>s vers <strong>le</strong>urs demeures, une jeune fil<strong>le</strong> du<br />

sanctuaire lui annonça qu’Otsū l’attendait. Un peu agité, il<br />

répondit :<br />

— Parfait. Je l’ai envoyé chercher, n’est-ce pas ? J’avais<br />

complètement oublié. Où est-el<strong>le</strong> ?<br />

Otsū était devant la maison, où el<strong>le</strong> se tenait depuis un<br />

moment à écouter <strong>le</strong> cours d’Arakida.<br />

— Je suis là ! cria-t-el<strong>le</strong>. Vous aviez besoin de moi ?<br />

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