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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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hommes ! Eh bien, je suis peut-être une femme, mais j’ai du<br />

courage.<br />

Sa lèvre, qu’el<strong>le</strong> s’était coupée sur une feuil<strong>le</strong> de miscanthus,<br />

saignait. En la mordant, el<strong>le</strong> éclata de nouveau en sanglots.<br />

— Tu dis des choses bien bizarres, fit-il. Tu ne peux être<br />

qu’une fol<strong>le</strong>.<br />

— Je dirai ce qui me plaît ! cria-t-el<strong>le</strong>.<br />

El<strong>le</strong> repoussa de toutes ses forces <strong>le</strong> torse de l’homme <strong>et</strong><br />

s’enfuit à travers <strong>le</strong> miscanthus, qui s’étendait sous <strong>le</strong> clair de<br />

lune aussi loin que portait sa vue.<br />

— ... A l’assassin ! Au secours ! A l’assassin !<br />

Yasoma s’élança à sa poursuite. El<strong>le</strong> n’avait pas fait dix pas<br />

qu’il la rattrapait <strong>et</strong> la terrassait de nouveau. Ses jambes<br />

blanches visib<strong>le</strong>s sous <strong>le</strong> kimono, <strong>le</strong>s cheveux épars, el<strong>le</strong> gisait,<br />

la joue contre <strong>le</strong> sol. Le kimono à demi ouvert, ses seins blancs<br />

sentaient la froideur du vent.<br />

A l’instant où Yasoma allait se j<strong>et</strong>er sur el<strong>le</strong>, quelque chose<br />

de très dur atterrit près de l’oreil<strong>le</strong> de l’homme. Le sang lui<br />

monta à la tête, <strong>et</strong> il cria de dou<strong>le</strong>ur. Comme il se r<strong>et</strong>ournait<br />

pour regarder, l’obj<strong>et</strong> dur vint s’écraser sur <strong>le</strong> somm<strong>et</strong> de son<br />

crâne. C<strong>et</strong>te fois, il ne souffrit guère, car il tomba aussitôt<br />

évanoui, la tête aussi vide que cel<strong>le</strong> d’un tigre en papier. Comme<br />

il gisait là, la mâchoire pendante, son agresseur, un prêtre<br />

mendiant, se tenait au-dessus de lui, portant <strong>le</strong> shakuhachi avec<br />

<strong>le</strong>quel il l’avait frappé.<br />

— <strong>La</strong> sa<strong>le</strong> brute ! disait-il. Mais il est tombé plus faci<strong>le</strong>ment<br />

que je ne l’aurais cru.<br />

Le prêtre considéra un moment Yasoma, en se demandant<br />

s’il serait plus humain de l’achever. Même s’il revenait à lui, il<br />

risquait de ne jamais recouvrer la santé menta<strong>le</strong>.<br />

Akemi considérait d’un regard vide son sauveur. En dehors<br />

du shakuhachi, rien ne l’identifiait en tant que prêtre ; à en<br />

juger d’après ses vêtements sa<strong>le</strong>s <strong>et</strong> <strong>le</strong> <strong>sabre</strong> qui pendait à son<br />

côté, il pouvait s’agir d’un samouraï dans la misère, voire d’un<br />

mendiant.<br />

— ... Tout va bien, maintenant, dit-il. Vous n’avez plus<br />

d’inquiétude à avoir.<br />

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