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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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devenir un grand homme d’épée. Mais ce n’était pas tout.<br />

Jusqu’alors, songeait-il, il n’avait rien fait de ce que <strong>le</strong>s gens font<br />

d’ordinaire au cours d’une existence.<br />

A ce stade de sa vie, il avait encore la vanité de croire qu’il<br />

aimerait avoir des serviteurs – une fou<strong>le</strong> de serviteurs – pour<br />

mener ses chevaux <strong>et</strong> porter ses faucons, tout comme Bokuden<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong> seigneur Kōizumi d’Ise. Il eût aimé aussi posséder une<br />

maison respectab<strong>le</strong>, avec une bonne épouse <strong>et</strong> de fidè<strong>le</strong>s<br />

domestiques. Il voulait être un bon maître, <strong>et</strong> jouir du confort<br />

cha<strong>le</strong>ureux d’un foyer. Bien sûr, avant de s’établir, il brûlait en<br />

secr<strong>et</strong> de connaître un grand amour. Durant toutes ces années<br />

où il n’avait pensé qu’à la Voie du samouraï, il était demeuré<br />

chaste. Il n’en était pas moins troublé par certaines des femmes<br />

qu’il voyait dans <strong>le</strong>s rues de Kyoto <strong>et</strong> de Nara ; or, ce n’étaient<br />

pas <strong>le</strong>urs seu<strong>le</strong>s qualités esthétiques qui lui plaisaient ; il <strong>le</strong>s<br />

désirait physiquement.<br />

Sa pensée se tourna vers Otsū. El<strong>le</strong> avait beau appartenir<br />

maintenant au lointain passé, il se sentait étroitement lié à el<strong>le</strong>.<br />

Combien de fois, alors qu’il souffrait de solitude ou de<br />

mélancolie, <strong>le</strong> vague souvenir de la jeune fil<strong>le</strong> avait-il suffi à <strong>le</strong><br />

conso<strong>le</strong>r !<br />

Il sortit bientôt de sa rêverie. Jōtarō l’avait rejoint, baigné,<br />

rassasié, fier d’avoir mené à bien sa mission. Assis, ses p<strong>et</strong>ites<br />

jambes croisées, <strong>le</strong>s mains entre <strong>le</strong>s genoux, il ne fut pas long à<br />

succomber à la fatigue. Bientôt, il dormit comme un<br />

bienheureux, la bouche ouverte. Musashi <strong>le</strong> mit au lit.<br />

Au matin, l’enfant se <strong>le</strong>va avec <strong>le</strong>s moineaux. Musashi aussi<br />

fut matinal : il entendait reprendre la route.<br />

Comme il s’habillait, la veuve parut <strong>et</strong> dit d’un ton de<br />

regr<strong>et</strong> :<br />

— Vous avez l’air pressé de partir.<br />

El<strong>le</strong> portait dans ses bras des vêtements qu’el<strong>le</strong> lui offrit :<br />

— ... Je vous ai cousu ces vêtements en guise de cadeau<br />

d’adieu : un kimono avec un mantel<strong>et</strong>. Je ne suis pas sûre qu’ils<br />

vous plairont, mais j’espère que vous <strong>le</strong>s porterez.<br />

Musashi la regarda, stupéfait. Ces vêtements étaient<br />

beaucoup trop coûteux pour qu’il <strong>le</strong>s acceptât après n’avoir<br />

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