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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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ferais mieux de la dire à la vieil<strong>le</strong>... C’est ça ! Si je lui explique<br />

tout, el<strong>le</strong> pourra l’annoncer doucement à Otsū. Alors, je n’aurai<br />

plus aucune raison de traîner par ici. »<br />

Sa décision prise, Takezō se remit en route, mais il savait<br />

qu’il ne fallait pas s’approcher du village avant la nuit. Avec une<br />

grosse <strong>pierre</strong> il en cassa une autre en p<strong>et</strong>its morceaux, <strong>et</strong> en<br />

lança un à un oiseau en vol. L’animal étant tombé, Takezō prit à<br />

peine <strong>le</strong> temps de <strong>le</strong> plumer avant de mordre dans la chair<br />

chaude <strong>et</strong> crue, tant il avait faim. Tout en dévorant sa proie, il se<br />

remit en marche ; mais soudain, il entendit un cri étouffé.<br />

L’inconnu qui l’avait aperçu détalait comme un fou à travers<br />

bois. Irrité de penser qu’on <strong>le</strong> haïssait <strong>et</strong> qu’on <strong>le</strong> craignait –<br />

qu’on <strong>le</strong> persécutait – sans raison, il cria : « Attendez ! », <strong>et</strong> se<br />

mit à courir comme une panthère après la silhou<strong>et</strong>te du fugitif.<br />

L’homme ne courait pas aussi vite que Takezō qui <strong>le</strong><br />

rattrapa sans peine. Il se révéla être un des villageois qui venait<br />

dans <strong>le</strong>s montagnes faire du charbon de bois, <strong>et</strong> Takezō <strong>le</strong><br />

connaissait de vue. L’ayant saisi au coll<strong>et</strong>, il <strong>le</strong> ramena dans une<br />

p<strong>et</strong>ite clairière.<br />

— Pourquoi vous enfuyez-vous ? Ne me connaissez-vous<br />

pas ? Je suis l’un d’entre vous, Shimmen Takezō de Miyamoto.<br />

Je ne vais pas vous manger. Vous savez, c’est très mal é<strong>le</strong>vé de<br />

fuir <strong>le</strong>s gens sans même <strong>le</strong>ur dire bonjour !<br />

— Ou-ou-ou-ou-i, monsieur !<br />

— Asseyez-vous !<br />

Takezō relâcha son étreinte sur <strong>le</strong> bras de l’homme, mais <strong>le</strong><br />

pitoyab<strong>le</strong> personnage reprit la fuite, obligeant Takezō à lui<br />

botter <strong>le</strong> derrière <strong>et</strong> à faire comme s’il allait <strong>le</strong> frapper de son<br />

<strong>sabre</strong> de bois. L’homme se recroquevillait par terre en<br />

gémissant comme un chien, <strong>le</strong>s mains sur la tête.<br />

— Ne me tuez pas ! criait-il d’un ton pathétique.<br />

— Alors, répondez à mes questions.<br />

— Je vous dirai ce que vous voudrez... Mais ne me tuez pas !<br />

J’ai une femme <strong>et</strong> une famil<strong>le</strong>.<br />

— Personne ne songe à vous tuer. Je suppose que <strong>le</strong>s<br />

collines fourmil<strong>le</strong>nt de soldats, hein ?<br />

— Oui.<br />

— Est-ce qu’ils surveil<strong>le</strong>nt de près <strong>le</strong> Shippōji ?<br />

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