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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Si c’est là tout ce que vous désirez, inuti<strong>le</strong> d’en discuter.<br />

Cela ne m’intéresse pas.<br />

— Mais pourquoi ? demanda Dampachi. Pourquoi cela ne<br />

vous intéresse-t-il pas ?<br />

<strong>La</strong> colère juvéni<strong>le</strong> de Musashi explosa.<br />

— Je ne suis pas baladin ! déclara-t-il avec indignation. Et je<br />

mange avec des bagu<strong>et</strong>tes, non point avec mon <strong>sabre</strong> !<br />

— Que vou<strong>le</strong>z-vous dire par là ? protestèrent <strong>le</strong>s trois autres,<br />

implicitement insultés.<br />

— Vous ne comprenez donc pas, espèces d’idiots ? Je suis<br />

un samouraï, <strong>et</strong> j’ai l’intention de rester un samouraï. Dussé-je<br />

en mourir de faim. Et maintenant, dehors !<br />

L’un des hommes tordit la bouche en un mauvais rictus ; un<br />

autre, rouge de colère, cria :<br />

— Vous regr<strong>et</strong>terez vos paro<strong>le</strong>s !<br />

Ils savaient bien qu’à eux trois réunis, ils ne faisaient pas <strong>le</strong><br />

poids avec Musashi ; mais pour sauver la face ils sortirent avec<br />

fracas, l’air menaçant, en faisant de <strong>le</strong>ur mieux pour donner<br />

l’impression qu’ils n’allaient pas en rester là.<br />

C<strong>et</strong>te nuit-là, comme <strong>le</strong>s quelques nuits précédentes, il y eut<br />

une lune laiteuse, légèrement voilée. <strong>La</strong> jeune maîtresse de<br />

maison, délivrée de son inquiétude tant que Musashi séjournait<br />

là, veilla à lui servir une exquise nourriture <strong>et</strong> du saké de bonne<br />

qualité. Il dîna en bas avec la famil<strong>le</strong>, <strong>et</strong> <strong>le</strong> saké <strong>le</strong> mit en douce<br />

humeur.<br />

Remonté dans sa chambre, il s’étendit par terre. Sa pensée<br />

revint bientôt à Nikkan.<br />

« C’est humiliant », se dit-il.<br />

Les adversaires qu’il avait vaincus, même ceux qu’il avait<br />

tués ou à demi tués, s’évanouissaient toujours de son esprit<br />

comme neige au so<strong>le</strong>il ; mais il ne pouvait oublier quiconque<br />

avait eu l’avantage sur lui en quoi que ce fût, <strong>et</strong>, par conséquent,<br />

tous ceux en <strong>le</strong>squels il sentait une présence irrésistib<strong>le</strong>. Les<br />

hommes de c<strong>et</strong>te sorte <strong>le</strong> hantaient comme de vivants fantômes,<br />

<strong>et</strong> il songeait sans cesse au moyen de <strong>le</strong>s éclipser un jour.<br />

« Humiliant ! » répéta-t-il.<br />

Il se prit la tête à deux mains pour réfléchir au moyen de<br />

l’emporter sur Nikkan, d’affronter sans faiblir ce regard<br />

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