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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Il y a sûrement quelque chose. Es-tu malade ?<br />

— Non.<br />

— Alors, qu’est-ce qu’il y a ?<br />

— Je me dégoûte. J’ai envie de frapper à mort ce corps<br />

mauvais, mon corps, <strong>et</strong> de <strong>le</strong> donner à manger aux corbeaux ;<br />

mais je ne veux pas mourir idiot. Je voudrais être aussi fort,<br />

aussi droit que quiconque avant de rej<strong>et</strong>er c<strong>et</strong>te chair. Perdre <strong>le</strong><br />

contrô<strong>le</strong> de moi-même me rend furieux. Je suppose, après tout,<br />

que tu pourrais appe<strong>le</strong>r ça une maladie.<br />

Matahachi, qui avait pitié de lui, ramassa l’argent tombé <strong>et</strong><br />

tenta de lui en fourrer dans la main.<br />

— C’était en partie ma faute, dit-il d’un ton d’excuse. Je te<br />

donne ça ; peut-être me pardonneras-tu.<br />

— Je n’en veux pas ! s’écria <strong>le</strong> prêtre en r<strong>et</strong>irant vivement la<br />

main. Je n’ai pas besoin d’argent. Je te dis que je n’en ai pas<br />

besoin !<br />

Bien qu’il eût précédemment explosé de colère pour un peu<br />

de riz, il considérait maintenant l’argent avec répugnance. Il<br />

secoua la tête avec vigueur, <strong>et</strong> recula, toujours à genoux.<br />

— Tu es un curieux bonhomme, dit Matahachi.<br />

— Mais non, mais non.<br />

— En tout cas, tu te conduis d’une drô<strong>le</strong> de façon.<br />

— Ne t’en fais pas pour ça.<br />

— On dirait que tu viens des provinces de l’Ouest. A ton<br />

accent.<br />

— Et comment ! Je suis né à Himeji.<br />

— Vraiment ? Je suis de la région, moi aussi : du Mimasaka.<br />

— Du Mimasaka ? répéta <strong>le</strong> prêtre en fixant Matahachi du<br />

regard. D’où au juste, dans <strong>le</strong> Mimasaka ?<br />

— Du village de Yoshino. Miyamoto, pour être exact.<br />

Le vieux parut se détendre. Assis sur la véranda, il parla<br />

doucement :<br />

— Miyamoto ? Voilà un nom qui m’évoque des souvenirs.<br />

Autrefois, j’ai été de garde à la palanque de Hinagura. Je<br />

connais assez bien c<strong>et</strong>te région.<br />

— Ça veut dire que tu étais samouraï dans <strong>le</strong> fief de Himeji ?<br />

— Oui. Je suppose que je n’en ai plus l’air aujourd’hui, mais<br />

j’étais un guerrier. Je m’appel<strong>le</strong> Aoki Tan...<br />

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