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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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te supplie pas de rester. Crois bien que tu es libre de partir au<br />

moment qui te conviendra !<br />

Tandis que Matahachi s’efforçait de refou<strong>le</strong>r ses larmes de<br />

rage, Okō <strong>et</strong> Akemi lui tournèrent <strong>le</strong> dos. Pourtant, même une<br />

fois qu’el<strong>le</strong>s eurent disparu, il resta là, debout, <strong>le</strong>s yeux fixés sur<br />

<strong>le</strong> seuil. Quand Okō l’avait caché dans sa maison proche du<br />

mont Ibuki, il s’était cru chanceux d’avoir trouvé quelqu’un qui<br />

l’aimerait <strong>et</strong> prendrait soin de lui. Mais maintenant, il trouvait<br />

qu’il aurait aussi bien pu se faire capturer par l’ennemi. Lequel<br />

valait <strong>le</strong> mieux, en fin de compte ? Etre un prisonnier, ou<br />

devenir l’animal familier d’une veuve inconstante, <strong>et</strong> cesser<br />

d’être un homme véritab<strong>le</strong> ? Etait-il pire de languir en prison<br />

que de souffrir ici dans l’obscurité, constamment en butte au<br />

mépris d’une mégère ? Malgré ses grands espoirs d’avenir, il<br />

avait laissé c<strong>et</strong>te catin, avec sa face poudrée <strong>et</strong> son sexe lascif, <strong>le</strong><br />

rabaisser à son propre niveau.<br />

« <strong>La</strong> garce ! » Matahachi tremblait de colère. « <strong>La</strong> sa<strong>le</strong><br />

garce ! » Des larmes lui montaient du fond du cœur. Pourquoi,<br />

oh ! pourquoi n’était-il pas rentré à Miyamoto ? Pourquoi<br />

n’était-il pas r<strong>et</strong>ourné vers Otsū ? Sa mère se trouvait à<br />

Miyamoto. Sa sœur aussi, <strong>et</strong> <strong>le</strong> mari de sa sœur, <strong>et</strong> l’onc<strong>le</strong> Gon.<br />

Ils avaient tous été si bons pour lui !<br />

<strong>La</strong> cloche du Shippōji sonnerait aujourd’hui, n’est-ce pas ?<br />

Tout comme el<strong>le</strong> sonnait chaque jour. Et la rivière Aida suivrait<br />

son cours, comme d’habitude, des f<strong>le</strong>urs s’épanouiraient sur la<br />

berge, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s oiseaux annonceraient l’arrivée du printemps.<br />

« Quel imbéci<strong>le</strong> je suis ! Quel fou ! »<br />

Matahachi se frappait la tête avec ses poings.<br />

Dehors, la mère, la fil<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong>urs deux hôtes nocturnes<br />

s’avançaient en flânant dans la rue, <strong>et</strong> bavardaient gaiement.<br />

— On se croirait au printemps.<br />

— C’est normal. On arrive presque au troisième mois.<br />

— On dit que <strong>le</strong> Shōgun viendra bientôt dans la capita<strong>le</strong>. S’il<br />

vient, vous deux, <strong>le</strong>s dames, devriez gagner beaucoup d’argent,<br />

n’est-ce pas ?<br />

— Oh ! non, je suis sûre que non.<br />

— Pourquoi ? Est-ce que <strong>le</strong>s samouraïs d’Edo n’aiment pas<br />

s’amuser ?<br />

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