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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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On entendit des froissements de bambous assez sonores<br />

pour avertir quiconque n’était pas sourd que des hommes se<br />

cachaient tout <strong>le</strong> long des routes. Genjirō cria : « J’ai peur ! » en<br />

s’accrochant à la tail<strong>le</strong> de son père. Jūrōzaemon se dirigea<br />

aussitôt vers <strong>le</strong> lieu de c<strong>et</strong>te agitation, bien que quelque chose<br />

lui dît qu’il s’agissait d’une fausse a<strong>le</strong>rte. Sasaki Kojirō vociférait<br />

contre un des hommes de l’éco<strong>le</strong> Yoshioka :<br />

— Tu ne vois donc pas clair ? En voilà une idée, de me<br />

prendre pour Musashi ! J’arrive ici en qualité de témoin, <strong>et</strong> tu te<br />

précipites sur moi avec une lance. Quel âne !<br />

Les hommes de l’éco<strong>le</strong> Yoshioka étaient en colère, eux<br />

aussi ; certains d’entre eux <strong>le</strong> soupçonnaient de <strong>le</strong>s espionner.<br />

Ils se r<strong>et</strong>enaient, mais continuaient de lui boucher <strong>le</strong> passage.<br />

Jūrōzaemon ayant traversé l’attroupement, Kojirō s’en prit à<br />

lui :<br />

— ... Je suis venu en qualité de témoin, mais vos hommes<br />

me traitent en ennemi. S’ils agissent sur votre ordre, je serai<br />

plus qu’heureux, pour malhabi<strong>le</strong> homme d’épée que je sois, de<br />

vous affronter. Je n’ai aucune raison d’aider Musashi ; en<br />

revanche, j’ai mon honneur à défendre. D’autre part, cela me<br />

fournirait une occasion bienvenue d’humecter de sang frais ma<br />

« Perche à sécher », chose que j’ai négligé de faire depuis<br />

quelque temps.<br />

C’était un tigre crachant <strong>le</strong> feu. Les membres de l’éco<strong>le</strong><br />

Yoshioka qu’avaient trompés ses airs de bellâtre furent<br />

stupéfaits de son audace. Jūrōzaemon, bien déterminé à<br />

montrer que la langue de Kojirō ne l’effrayait pas, se mit à rire :<br />

— Ha ! ha ! Vous voilà tout hors de vous, hein ? Mais ditesmoi,<br />

qui donc au juste vous a prié d’être témoin ? Je ne me<br />

souviens d’aucune requête de ce genre. Serait-ce Musashi ?<br />

— Ne dites pas d’absurdités. Quand nous avons apposé<br />

l’écriteau, à Yanagimachi, j’ai fait savoir aux deux parties que je<br />

jouerais <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de témoin.<br />

— Je vois. C’est vous-même qui l’avez dit. En d’autres<br />

termes, Musashi ne vous l’a pas demandé, non plus que nous.<br />

Vous avez pris sur vous de venir en observateur. Or, <strong>le</strong> monde<br />

est p<strong>le</strong>in de gens qui se mê<strong>le</strong>nt de ce qui ne <strong>le</strong>s regarde pas.<br />

— C’est une insulte ! aboya Kojirō.<br />

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