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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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comme s’il était accompagné d’un tourbillon de vent furieux. Il<br />

fut rapidement à côté d’Otsū, s’arrêta, <strong>et</strong> d’un geste prompt lui<br />

arracha la corde.<br />

— Descends ! ordonna-t-il en <strong>le</strong>vant sur Jōtarō des yeux<br />

furibonds.<br />

<strong>La</strong> jument fit un écart en arrière. Agrippé à sa crinière,<br />

Jōtarō s’écria :<br />

— Vous n’avez pas <strong>le</strong> droit ! J’ai loué c<strong>et</strong>te jument, pas vous !<br />

L’homme eut un renif<strong>le</strong>ment de mépris, <strong>et</strong> dit :<br />

— Vous, femme !<br />

— Oui ? fit à voix basse Otsū.<br />

— Je m’appel<strong>le</strong> Shishido Baiken. J’habite au village d’Ujii,<br />

là-haut dans <strong>le</strong>s montagnes, au-delà de la barrière. Pour des<br />

raisons sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s je ne m’étendrai pas, je recherche un<br />

homme appelé Miyamoto Musashi. Il a pris c<strong>et</strong>te route un peu<br />

avant <strong>le</strong> jour, ce matin. Il a dû passer par ici voilà plusieurs<br />

heures ; il me faut donc faire vite si je veux <strong>le</strong> rattraper à<br />

Yasugawa, à la frontière de l’Omi. Donnez-moi votre jument.<br />

Il parlait très vite, en hal<strong>et</strong>ant. Dans l’air froid <strong>le</strong> brouillard<br />

se condensait en f<strong>le</strong>urs de givre sur <strong>le</strong>s branches <strong>et</strong> <strong>le</strong>s rameaux,<br />

mais son cou luisait de sueur ainsi qu’une peau de serpent.<br />

Otsū se tenait immobi<strong>le</strong>, mortel<strong>le</strong>ment pâ<strong>le</strong>, comme si la<br />

terre au-dessous d’el<strong>le</strong> eût aspiré tout <strong>le</strong> sang de son corps. Les<br />

lèvres tremblantes, el<strong>le</strong> voulait désespérément s’assurer qu’el<strong>le</strong><br />

avait bien entendu. El<strong>le</strong> ne pouvait prononcer un traître mot.<br />

— Vous avez dit Musashi ? laissa échapper Jōtarō.<br />

Il était toujours agrippé à la crinière de la jument, mais ses<br />

bras <strong>et</strong> ses jambes tremblaient. Baiken se trouvait trop pressé<br />

pour remarquer <strong>le</strong>ur réaction.<br />

— Allons, commanda-t-il. Descends, <strong>et</strong> vite, ou je<br />

t’administre une raclée.<br />

Il brandissait l’extrémité de la corde à la façon d’un fou<strong>et</strong>.<br />

Jōtarō secoua une tête inf<strong>le</strong>xib<strong>le</strong> :<br />

— Je refuse.<br />

— Qu’est-ce que ça veut dire : je refuse ?<br />

— C’est mon cheval. Vous ne pouvez l’avoir. Ça m’est égal,<br />

que vous soyez pressé.<br />

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