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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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suis prise <strong>et</strong> traitée comme une vo<strong>le</strong>use, je suppose que je n’ai<br />

que ce que je mérite.<br />

— Mère verrait <strong>le</strong>s choses ainsi, mais je ne suis pas comme<br />

ça. De toute manière, il ne s’agissait pas de grand-chose. Si tu en<br />

avais réel<strong>le</strong>ment besoin, ça m’aurait fait plaisir de te <strong>le</strong> donner.<br />

Je ne suis pas fâché. Ce qui m’intéresse bien davantage, c’est<br />

pourquoi tu es partie aussi brusquement, <strong>et</strong> ce que tu fabriques<br />

dans ces montagnes.<br />

— Ce soir, j’ai surpris votre conversation, à toi <strong>et</strong> ta mère.<br />

— Ah ? A propos de Masushi ?<br />

— Euh... oui.<br />

— Et tu as décidé brusquement d’al<strong>le</strong>r à Ichijōji ?<br />

El<strong>le</strong> ne répondit pas.<br />

— ... Ah ! j’oubliais ! s’exclama-t-il en se remémorant la<br />

raison qui l’avait poussé à descendre dans <strong>le</strong> ravin. C’est toi qui<br />

as crié, il y a quelques minutes ?<br />

El<strong>le</strong> fit « oui » de la tête, puis rapidement j<strong>et</strong>a à la dérobée<br />

un coup d’œil effrayé sur la pente, au-dessus d’eux. Rassurée sur<br />

<strong>le</strong> fait qu’il n’y eût rien en c<strong>et</strong> endroit, el<strong>le</strong> raconta à Matahachi<br />

comment el<strong>le</strong> avait traversé <strong>le</strong> cours d’eau <strong>et</strong> grimpait une pente<br />

à pic lorsque, <strong>le</strong>vant <strong>le</strong>s yeux, el<strong>le</strong> vit un fantôme d’un aspect<br />

incroyab<strong>le</strong>ment redoutab<strong>le</strong>, assis sur une haute <strong>pierre</strong>, en train<br />

de contemp<strong>le</strong>r la lune. Il avait <strong>le</strong> corps d’un nain mais son<br />

visage, celui d’une femme, était d’une cou<strong>le</strong>ur inquiétante, plus<br />

blanche que la blancheur, avec une bouche qui remontait en<br />

balafre d’un côté vers l’oreil<strong>le</strong>. Grotesque, il semblait rire d’el<strong>le</strong>,<br />

<strong>et</strong> l’avait épouvantée. Quand el<strong>le</strong> reprit ses esprits, el<strong>le</strong> était<br />

r<strong>et</strong>ombée dans <strong>le</strong> ravin.<br />

C<strong>et</strong>te histoire avait beau paraître absurde, el<strong>le</strong> la racontait<br />

avec un sérieux total. Matahachi tâcha d’écouter avec politesse,<br />

mais fut bientôt vaincu par <strong>le</strong> rire.<br />

— Ha ! ha ! Tu inventes tout ça ! Tu as dû effrayer <strong>le</strong><br />

fantôme. Voyons ! Tu rôdais sur <strong>le</strong>s champs de batail<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

n’attendais pas même <strong>le</strong> départ de l’âme des morts pour<br />

commencer à détrousser <strong>le</strong>s cadavres.<br />

— Je n’étais qu’une enfant, alors. Je n’en savais pas assez<br />

pour avoir peur.<br />

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