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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Devant l’habil<strong>et</strong>é, <strong>le</strong> zè<strong>le</strong>, la concentration prodigués pour<br />

fabriquer des ustensi<strong>le</strong>s, fussent-ils aussi bon marché que ceuxlà,<br />

Musashi eut <strong>le</strong> sentiment d’avoir encore un long chemin à<br />

parcourir s’il voulait jamais atteindre <strong>le</strong> niveau de perfection à<br />

l’escrime auquel il aspirait. C<strong>et</strong>te pensée <strong>le</strong> dégrisait car, au<br />

cours des trois semaines précédentes, il avait visité d’autres<br />

célèbres centres d’entraînement de Kyoto en dehors de l’Eco<strong>le</strong><br />

Yoshioka, <strong>et</strong> avait commencé à se demander s’il n’avait pas été<br />

trop critique envers lui-même, depuis son emprisonnement à<br />

Himeji. Il s’était attendu à trouver Kyoto rempli d’hommes qui<br />

avaient maîtrisé <strong>le</strong>s arts martiaux. Après tout, il s’agissait de la<br />

capita<strong>le</strong> impéria<strong>le</strong> ainsi que de l’ancien siège du Shōgunat<br />

Ashikaga, <strong>et</strong> Kyoto avait longtemps été un lieu de<br />

rassemb<strong>le</strong>ment pour <strong>le</strong>s généraux fameux <strong>et</strong> <strong>le</strong>s guerriers<br />

légendaires. Or, au cours de son séjour, Musashi n’avait pas<br />

trouvé un seul centre d’entraînement qui lui eût enseigné quoi<br />

que ce fût dont il eût lieu d’être sincèrement reconnaissant. A la<br />

place, dans chaque éco<strong>le</strong> il avait connu la déception. Bien qu’il<br />

eût toujours gagné ses combats, il était incapab<strong>le</strong> de déterminer<br />

si c’était parce qu’il était bon ou parce que ses adversaires<br />

étaient mauvais. Dans <strong>le</strong>s deux cas, si <strong>le</strong>s samouraïs qu’il avait<br />

rencontrés étaient caractéristiques, <strong>le</strong> pays se trouvait en piètre<br />

posture.<br />

Encouragé par ses succès, Musashi en était venu à tirer une<br />

certaine fierté de sa compétence. Mais voici que lui étaient<br />

remis en mémoire <strong>le</strong>s dangers de la vanité ; cela rabattait son<br />

orgueil. Il s’inclina menta<strong>le</strong>ment avec un profond respect devant<br />

ces vieux hommes barbouillés d’argi<strong>le</strong>, <strong>et</strong> se mit à gravir la pente<br />

abrupte qui montait à Kiyomizudera.<br />

Il n’avait pas fait dix pas lorsqu’une voix l’appela d’en bas :<br />

— Eh ! vous, là-haut, monsieur <strong>le</strong> rōnin !<br />

— C’est à moi que vous par<strong>le</strong>z ? demanda Musashi en se<br />

r<strong>et</strong>ournant.<br />

A en juger d’après <strong>le</strong> vêtement de coton rembourré de<br />

l’homme, ses jambes nues, <strong>et</strong> la perche qu’il avait à la main, il<br />

exerçait <strong>le</strong> métier de porteur de palanquin. Dans sa barbe, il<br />

demanda, assez poliment pour un homme de sa condition<br />

inférieure :<br />

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