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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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entière pour faire un seul bol à thé réussi. Mais vous possédez<br />

en eff<strong>et</strong> un sens esthétique, une assez solide compréhension<br />

instinctive. Je suppose qu’étudier l’escrime vous a développé<br />

l’œil, dans une certaine mesure.<br />

<strong>La</strong> remarque de Kō<strong>et</strong>su trahissait un sentiment proche de<br />

l’admiration mais, en sa qualité d’homme plus âgé, il ne pouvait<br />

se résoudre à complimenter son cad<strong>et</strong>. Non seu<strong>le</strong>ment cela<br />

manquerait de dignité mais cela risquerait de lui monter à la<br />

tête.<br />

Bientôt, <strong>le</strong> serviteur revint avec d’autres légumes sauvages<br />

<strong>et</strong> Myōshū prépara <strong>le</strong> gruau. Tandis qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> servait dans de<br />

p<strong>et</strong>ites assi<strong>et</strong>tes qui paraissaient aussi l’œuvre de Kō<strong>et</strong>su, l’on fit<br />

chauffer une jarre de saké parfumé, <strong>et</strong> <strong>le</strong> pique-nique débuta.<br />

Pour <strong>le</strong> goût de Musashi, la nourriture de la cérémonie du<br />

thé était trop légère <strong>et</strong> trop délicate. Sa constitution avait faim<br />

de quelque chose de plus consistant <strong>et</strong> de plus re<strong>le</strong>vé. Il n’en<br />

essaya pas moins consciencieusement de savourer <strong>le</strong> fin arôme<br />

du mélange champêtre : il reconnaissait avoir beaucoup à<br />

apprendre de Kō<strong>et</strong>su <strong>et</strong> de sa charmante mère.<br />

Comme <strong>le</strong> temps passait, il se mit à regarder nerveusement<br />

<strong>le</strong> champ, autour de lui. Enfin, il se tourna vers son hôte en<br />

disant :<br />

— Tout cela a été très agréab<strong>le</strong>, mais il faut que je m’en ail<strong>le</strong>,<br />

maintenant. J’aimerais bien rester, mais je crains que <strong>le</strong>s<br />

hommes de mon adversaire ne viennent vous faire des ennuis.<br />

Je ne veux pas vous mê<strong>le</strong>r à quoi que ce soit de ce genre.<br />

J’espère avoir l’occasion de vous revoir.<br />

Myōshū se <strong>le</strong>va pour <strong>le</strong> saluer, <strong>et</strong> dit :<br />

— Si jamais vous passez par la ruel<strong>le</strong> Hon’ami, ne manquez<br />

pas d’entrer nous voir.<br />

— Oui, je vous en prie, venez. Nous pourrons avoir une<br />

bonne <strong>et</strong> longue conversation, ajouta Kō<strong>et</strong>su.<br />

Malgré <strong>le</strong>s craintes de Musashi, il n’y avait pas trace d’élèves<br />

de l’éco<strong>le</strong> Yoshioka. Ayant pris congé, il s’arrêta pour se<br />

r<strong>et</strong>ourner vers ses deux nouveaux amis sur <strong>le</strong>ur couverture. Oui,<br />

ils vivaient dans un monde séparé du sien. Sa propre route<br />

longue <strong>et</strong> étroite ne <strong>le</strong> mènerait jamais au domaine des paisib<strong>le</strong>s<br />

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