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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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lui évoqua <strong>le</strong> lait maternel. Debout, là, il regardait fixement.<br />

Sans mère vers qui se tourner, il n’y avait que solitude. Au lieu<br />

de <strong>le</strong> réconforter, même <strong>le</strong>s eaux vives <strong>et</strong> <strong>le</strong>s vagues de collines<br />

de son propre pays semblaient se moquer de lui.<br />

« Pourquoi tous <strong>le</strong>s villageois sont-ils contre moi ? se<br />

demandait-il. A peine me voient-ils qu’ils me dénoncent à la<br />

garde, dans la montagne. A la façon dont ils déta<strong>le</strong>nt en<br />

m’apercevant, on me prendrait pour un fou. »<br />

Depuis quatre jours, il se cachait dans <strong>le</strong>s monts Sanumo.<br />

Maintenant, à travers <strong>le</strong> voi<strong>le</strong> de brume de la mi-journée, il<br />

pouvait distinguer la maison de son père, la maison où sa sœur<br />

vivait seu<strong>le</strong>. Niché dans <strong>le</strong>s vallonnements, juste au-dessous de<br />

lui, il y avait <strong>le</strong> Shippōji ; <strong>le</strong> toit du temp<strong>le</strong> dépassait des arbres.<br />

Il savait qu’il ne pouvait approcher aucun de ces deux endroits.<br />

Lorsqu’il avait osé s’approcher du temp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> jour anniversaire<br />

du Bouddha, malgré la fou<strong>le</strong> il avait risqué sa vie. En entendant<br />

crier son nom, il n’avait d’autre choix que de fuir. Outre <strong>le</strong> désir<br />

de sauver sa vie, il savait que si on <strong>le</strong> découvrait là cela créerait<br />

des ennuis à Otsū.<br />

<strong>La</strong> nuit où il s’était glissé vers la maison de sa sœur, <strong>le</strong><br />

hasard avait voulu que la mère de Matahachi s’y trouvât. Durant<br />

un moment, il s’était contenté de se tenir au-dehors à tâcher<br />

d’imaginer comment expliquer l’absence de son compagnon ;<br />

mais tandis qu’il regardait sa sœur à travers une fente de la<br />

porte, <strong>le</strong>s soldats l’avaient repéré. Il avait de nouveau fallu fuir<br />

sans avoir eu la possibilité de par<strong>le</strong>r à quiconque. Depuis lors, il<br />

lui semblait de son refuge, dans <strong>le</strong>s montagnes, que <strong>le</strong>s<br />

samouraïs de Tokugawa <strong>le</strong> surveillaient de très près. Ils<br />

patrouillaient sur toutes <strong>le</strong>s routes qu’il risquait de prendre,<br />

cependant que <strong>le</strong>s villageois avaient formé des équipes de<br />

recherche qui battaient <strong>le</strong>s montagnes.<br />

Il se demandait ce qu’Otsū devait penser de lui, <strong>et</strong> se mit à la<br />

soupçonner de s’être el<strong>le</strong>-même tournée contre lui. Comme il<br />

semblait que tous <strong>le</strong>s habitants de son propre village <strong>le</strong><br />

considéraient comme un ennemi, il se trouvait dans une<br />

impasse.<br />

Il pensa : « Il serait trop diffici<strong>le</strong> de dire à Otsū la véritab<strong>le</strong><br />

raison pour laquel<strong>le</strong> son fiancé n’est pas revenu. Peut-être que je<br />

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