14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Sa face congestionnée devint pourpre tandis qu’il<br />

entreprenait de dégainer.<br />

— ... Ecarte-toi, Otsū ! Je vais couper en deux c<strong>et</strong> acolyte à<br />

grande gueu<strong>le</strong> !<br />

Otsū se j<strong>et</strong>a aux pieds du capitaine <strong>et</strong> <strong>le</strong> supplia :<br />

— Vous avez toutes <strong>le</strong>s raisons d’être en colère, mais, je vous<br />

en prie, soyez patient. Il a <strong>le</strong> cerveau un peu dérangé. Il par<strong>le</strong><br />

ainsi à tout <strong>le</strong> monde. En réalité, il n’en pense pas un mot !<br />

Et el<strong>le</strong> éclata en sanglots.<br />

— Que dis-tu là, Otsū ? lui reprocha Takuan. Je suis<br />

parfaitement sain d’esprit, <strong>et</strong> je ne plaisante pas. Je dis<br />

seu<strong>le</strong>ment la vérité, que nul ne semb<strong>le</strong> aimer à entendre. C’est<br />

un benêt, aussi l’ai-je traité de benêt. Veux-tu que je mente ?<br />

— Tu ferais mieux de ne pas répéter une chose pareil<strong>le</strong> !<br />

tonna <strong>le</strong> samouraï.<br />

— Je <strong>le</strong> répéterai aussi souvent qu’il me plaira. A propos, je<br />

suppose que cela vous est égal, à vous autres soldats, de perdre<br />

votre temps à rechercher Takezō, mais pour <strong>le</strong>s cultivateurs cela<br />

constitue un terrib<strong>le</strong> fardeau. Vous rendez-vous compte de ce<br />

que vous <strong>le</strong>ur infligez ? Ils n’auront bientôt plus rien à manger si<br />

vous continuez. Il ne vous est sans doute même pas venu à<br />

l’esprit qu’ils doivent négliger complètement <strong>le</strong>s travaux des<br />

champs pour prendre part à vos chasses désorganisées au<br />

canard sauvage. Et je pourrais ajouter : gratis. C’est une honte !<br />

— Tiens ta langue, traître. C’est de la diffamation<br />

caractérisée contre <strong>le</strong> gouvernement de Tokugawa !<br />

— Ce n’est pas <strong>le</strong> gouvernement de Tokugawa que je<br />

critique ; ce sont <strong>le</strong>s fonctionnaires comme toi qui servent<br />

d’intermédiaires entre <strong>le</strong> daimyō <strong>et</strong> <strong>le</strong>s gens du peup<strong>le</strong>, <strong>et</strong> qui ne<br />

méritent pas l’argent qu’ils gagnent. D’abord, pour quel<strong>le</strong> raison<br />

au juste te prélasses-tu ici ce soir ? Qu’est-ce qui te donne <strong>le</strong><br />

droit de te détendre dans ton beau kimono bien confortab<strong>le</strong>,<br />

bien chaud <strong>et</strong> bien douill<strong>et</strong>, de t’attarder au bain <strong>et</strong> de te faire<br />

verser ton saké du soir par une jolie jeune fil<strong>le</strong> ? Tu appel<strong>le</strong>s cela<br />

servir ton seigneur ?<br />

Le capitaine était sans voix.<br />

— ... N’est-ce pas <strong>le</strong> devoir d’un samouraï que de servir son<br />

seigneur avec une inlassab<strong>le</strong> fidélité ? N’est-ce pas ton métier<br />

89

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!