14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

— Oh ! non. Je suis de l’auberge au somm<strong>et</strong> du col.<br />

— Tant mieux. Si je vous donnais de l’argent, vous feriez<br />

une course pour moi ?<br />

— Avec plaisir, mais voyez-vous, il y a c<strong>et</strong>te malade à<br />

l’auberge.<br />

— Je pourrais rapporter <strong>le</strong> lait à votre place <strong>et</strong> vous y<br />

attendre. Qu’en dites-vous ? Si vous partez maintenant, vous<br />

serez de r<strong>et</strong>our avant la nuit.<br />

— Dans ce cas, je crois que je pourrais y al<strong>le</strong>r mais...<br />

— Rien à craindre ! Je ne suis pas <strong>le</strong> coquin que prétend la<br />

vieil<strong>le</strong> femme. J’essayais seu<strong>le</strong>ment de l’aider. Si el<strong>le</strong> est capab<strong>le</strong><br />

de se débrouil<strong>le</strong>r seu<strong>le</strong>, je n’ai aucune raison de m’inquiéter<br />

pour el<strong>le</strong>. Et maintenant, je vais juste écrire un mot. Je veux que<br />

vous <strong>le</strong> portiez à la maison du seigneur Karasumaru Mitsuhiro.<br />

C’est dans <strong>le</strong> quartier nord de la vil<strong>le</strong>.<br />

Avec <strong>le</strong> pinceau de son nécessaire à écrire, il griffonna<br />

rapidement <strong>le</strong>s mots qu’il avait tant désiré adresser à Otsū<br />

pendant qu’il se rem<strong>et</strong>tait au Mudōji. Ayant confié sa l<strong>et</strong>tre à la<br />

femme, il monta la vache <strong>et</strong> s’éloigna à pas pesants en se<br />

répétant <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s qu’il avait tracées <strong>et</strong> en imaginant <strong>le</strong>s<br />

sentiments d’Otsū lorsqu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s lirait. « Moi qui croyais ne<br />

jamais la revoir... », murmurait-il en s’animant soudain.<br />

« Etant donné l’état de faib<strong>le</strong>sse où el<strong>le</strong> se trouvait, peutêtre<br />

est-el<strong>le</strong> à nouveau malade au lit, songeait-il. Mais quand<br />

el<strong>le</strong> recevra ma l<strong>et</strong>tre, el<strong>le</strong> se lèvera pour venir aussi vite qu’el<strong>le</strong><br />

pourra. Jōtarō aussi. »<br />

Il laissait la vache marcher à sa propre allure, <strong>et</strong> s’arrêtait de<br />

temps en temps pour lui perm<strong>et</strong>tre de brouter. Sa l<strong>et</strong>tre à Otsū<br />

était simp<strong>le</strong>, mais il en était plutôt satisfait : « Au pont de<br />

Hanada, c’est toi qui attendais. C<strong>et</strong>te fois, que ce soit moi. J’ai<br />

pris <strong>le</strong>s devants. Je t’attendrai dans la province d’Otsu, au pont<br />

de Kara, village de S<strong>et</strong>a. Quand nous serons de nouveau réunis,<br />

nous par<strong>le</strong>rons de bien des choses. » Il avait essayé de conférer<br />

à ce message prosaïque un ton poétique. Il se <strong>le</strong> récita de<br />

nouveau, <strong>et</strong> médita sur <strong>le</strong>s nombreuses « choses » dont ils<br />

devaient par<strong>le</strong>r.<br />

En arrivant à l’auberge, il descendit de la vache <strong>et</strong>, tenant à<br />

deux mains la jarre de lait, cria :<br />

842

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!