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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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fils. Voilà près de deux mois qu’el<strong>le</strong> prie chaque jour au temp<strong>le</strong>,<br />

ici, <strong>et</strong> aujourd’hui, il a fini par arriver.<br />

— Ces samouraïs ne sont pas des gens comme nous,<br />

estimait un autre porteur. A son âge, la vieil<strong>le</strong> pourrait vivre<br />

bien tranquil<strong>le</strong>ment chez el<strong>le</strong>, à faire sauter ses p<strong>et</strong>its-enfants<br />

sur ses genoux ; mais non, la voilà qui cherche à venger, à la<br />

place de son fils, une insulte faite à sa famil<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> a droit au<br />

moins à notre respect.<br />

Un troisième déclara :<br />

— Nous ne la soutenons point pour l’unique raison qu’el<strong>le</strong><br />

nous a donné des pourboires. El<strong>le</strong> a du caractère, c’est moi qui<br />

vous <strong>le</strong> dis ! El<strong>le</strong> a beau être vieil<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> ne craint pas de se<br />

battre. Je dis que nous devrions l’aider de toutes nos forces. Ce<br />

n’est que justice, de secourir l’opprimé ! Si el<strong>le</strong> a <strong>le</strong> dessous,<br />

faisons nous-mêmes au rōnin son affaire.<br />

— Tu as raison ! Mais allons-y maintenant ! Nous ne<br />

pouvons rester ici <strong>le</strong>s bras croisés, <strong>et</strong> la laisser se faire tuer.<br />

Quand la fou<strong>le</strong> apprit <strong>le</strong>s raisons de la présence d’Osugi,<br />

l’effervescence augmenta. Certains des spectateurs se mirent à<br />

encourager <strong>le</strong>s porteurs.<br />

Osugi replaça son chapel<strong>et</strong> dans son kimono, <strong>et</strong> <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce se<br />

fit dans l’enceinte du temp<strong>le</strong>.<br />

— Takezō ! appela-t-el<strong>le</strong> d’une voix forte, la main gauche sur<br />

<strong>le</strong> p<strong>et</strong>it <strong>sabre</strong> qui pendait à sa ceinture.<br />

Durant tout ce temps, Musashi s’était tenu à l’écart, en<br />

si<strong>le</strong>nce. Même quand Osugi cria son nom, il feignit de n’avoir<br />

pas entendu. Démonté par ce comportement, l’onc<strong>le</strong> Gon,<br />

debout à côté d’Osugi, choisit c<strong>et</strong> instant pour passer à l’attaque,<br />

<strong>et</strong>, tendant <strong>le</strong> cou, poussa une clameur de défi.<br />

Musashi ne réagit toujours pas. Il en était incapab<strong>le</strong>. C’était<br />

bien simp<strong>le</strong> : il ne savait pas de quel<strong>le</strong> façon réagir. Il se<br />

rappelait que Takuan, à Himeji, l’avait averti qu’il risquait de<br />

tomber sur Osugi. Il était disposé à l’ignorer tota<strong>le</strong>ment ; mais<br />

ce qu’avaient dit <strong>le</strong>s porteurs à la fou<strong>le</strong> <strong>le</strong> bou<strong>le</strong>versait. De plus,<br />

il avait peine à refréner son ressentiment devant la haine que <strong>le</strong>s<br />

Hon’iden avaient nourrie contre lui durant tout ce temps. Toute<br />

l’affaire n’était rien de plus qu’une mesquine question de qu’en-<br />

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