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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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dizaines de fois... tant de fois, à la vérité, qu’el<strong>le</strong> en eut mal au<br />

poign<strong>et</strong>, <strong>et</strong> que sa calligraphie se mit à refléter sa fatigue.<br />

S’étant arrêtée pour se reposer un moment, el<strong>le</strong> cria à<br />

Takuan :<br />

— Cesse d’essayer de vo<strong>le</strong>r ces gens ! Tu <strong>le</strong>ur prends trop<br />

cher.<br />

— Je m’adresse à ceux qui ont déjà trop d’argent. Il <strong>le</strong>ur est<br />

devenu un fardeau. C’est charité pure que de <strong>le</strong>s en soulager,<br />

répliqua-t-il.<br />

— Selon ce raisonnement, <strong>le</strong>s vulgaires cambrio<strong>le</strong>urs sont<br />

des saints.<br />

Takuan était trop occupé à recueillir <strong>le</strong>s offrandes pour<br />

répondre.<br />

— Là, là, disait-il à la fou<strong>le</strong> qui se pressait. Ne poussez pas ;<br />

prenez votre temps ; chacun son tour. Votre chance d’alléger<br />

votre bourse viendra assez tôt.<br />

— Dis donc, <strong>le</strong> prêtre ! cria un jeune homme auquel il avait<br />

reproché de jouer des coudes.<br />

— C’est à moi que tu par<strong>le</strong>s ? dit Takuan en désignant son<br />

propre nez.<br />

— Oui. Tu nous répètes sans arrêt d’attendre notre tour,<br />

mais alors tu sers <strong>le</strong>s femmes d’abord.<br />

— Les femmes me plaisent autant qu’au voisin.<br />

— Tu dois être un de ces moines paillards sur <strong>le</strong>squels<br />

circu<strong>le</strong>nt tant d’histoires.<br />

— Assez, espèce de têtard ! Crois-tu que je ne sache pas<br />

pourquoi toi, tu es ici ? Tu n’es pas venu pour honorer <strong>le</strong><br />

Bouddha ni pour rapporter chez toi une formu<strong>le</strong> magique. Tu es<br />

venu pour regarder Otsū tout à ton aise ! Allons, allons, avoue...<br />

ce n’est pas la vérité ? Tu n’arriveras à rien avec <strong>le</strong>s femmes, tu<br />

sais, si tu te conduis en avare.<br />

Le visage d’Otsū devint écarlate.<br />

— Takuan, arrête ! Arrête immédiatement, ou je deviens<br />

fol<strong>le</strong> !<br />

Pour se reposer <strong>le</strong>s yeux, Otsū <strong>le</strong>s <strong>le</strong>va à nouveau de son<br />

ouvrage, <strong>et</strong> regarda au-dehors, par-dessus la fou<strong>le</strong>. Soudain, el<strong>le</strong><br />

aperçut un visage, <strong>et</strong> laissa tomber avec fracas son pinceau. El<strong>le</strong><br />

se <strong>le</strong>va d’un bond en manquant de renverser la tab<strong>le</strong>, mais <strong>le</strong><br />

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