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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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envie de tomber à genoux pour implorer ton pardon, je ne peux<br />

pas.<br />

Il sentit <strong>le</strong>s doigts sensib<strong>le</strong>s de la jeune fil<strong>le</strong> se serrer autour<br />

de son poign<strong>et</strong>.<br />

— Je sais tout cela, dit-el<strong>le</strong> avec force. Si je ne <strong>le</strong> savais pas,<br />

je ne t’aimerais pas comme je t’aime.<br />

— Mais ne vois-tu pas la folie de mourir à cause de moi ? En<br />

c<strong>et</strong> instant précis, je suis à toi corps <strong>et</strong> âme. Mais une fois que je<br />

t’aurai quittée... Tu ne dois pas mourir pour l’amour d’un<br />

homme tel que moi. Pour une femme il existe une bonne façon<br />

de vivre, une façon juste, Otsū. Tu dois la chercher, te créer une<br />

existence heureuse. Tel<strong>le</strong>s doivent être mes paro<strong>le</strong>s d’adieu. Il<br />

est temps que je parte.<br />

Doucement il écarta de son poign<strong>et</strong> la main de la jeune fil<strong>le</strong>,<br />

<strong>et</strong> se <strong>le</strong>va. El<strong>le</strong> saisit sa manche <strong>et</strong> cria :<br />

— Musashi, une minute encore !...<br />

El<strong>le</strong> avait tant de choses à lui dire ! Peu lui importait qu’il<br />

l’oubliât quand il n’était pas avec el<strong>le</strong> ; peu lui importait d’être<br />

considérée comme insignifiante ; lorsqu’el<strong>le</strong> était tombée<br />

amoureuse de lui, el<strong>le</strong> n’avait eu aucune illusion sur son<br />

caractère. El<strong>le</strong> saisit de nouveau sa manche ; ses yeux<br />

cherchaient <strong>le</strong>s siens pour essayer de prolonger ces derniers<br />

moments, de <strong>le</strong>s empêcher de jamais finir.<br />

C<strong>et</strong> appel si<strong>le</strong>ncieux faillit vaincre <strong>le</strong> jeune homme. Il y avait<br />

de la beauté jusque dans la faib<strong>le</strong>sse qui empêchait la jeune fil<strong>le</strong><br />

de par<strong>le</strong>r. Submergé par sa propre faib<strong>le</strong>sse <strong>et</strong> par sa propre<br />

frayeur, il avait l’impression d’être un arbre aux racines fragi<strong>le</strong>s,<br />

menacé par un vent furieux. Il se demanda si sa chaste dévotion<br />

à la Voie du <strong>sabre</strong> allait s’effondrer. Pour rompre <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce il<br />

demanda :<br />

— Comprends-tu ?<br />

— Oui, répondit-el<strong>le</strong> faib<strong>le</strong>ment. Je comprends tout à fait,<br />

mais si tu meurs, je mourrai aussi. Ma mort aura une<br />

signification pour moi, tout comme la tienne en a une pour toi.<br />

Si tu peux affronter la fin calmement, moi aussi. Je ne veux pas<br />

être écrasée comme un insecte, ni me noyer dans un moment de<br />

chagrin. J’en dois décider seu<strong>le</strong>. Personne d’autre ne peut <strong>le</strong><br />

faire à ma place, pas même toi.<br />

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