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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Oui, j’ai entendu par<strong>le</strong>r de lui.<br />

Il n’en dit pas davantage, donnant l’impression que <strong>le</strong>s<br />

exploits de Mikogami n’avaient aucun secr<strong>et</strong> pour lui.<br />

Quand ils atteignirent la p<strong>et</strong>ite vil<strong>le</strong> de Yokkaichi, il boita<br />

pénib<strong>le</strong>ment jusqu’à une stal<strong>le</strong> d’écurie, commanda un déjeuner<br />

froid, <strong>et</strong> s’assit pour <strong>le</strong> manger. L’un de ses pieds se trouvait<br />

bandé autour du cou-de-pied, à cause d’une b<strong>le</strong>ssure infectée à<br />

la plante, ce qui expliquait pourquoi il avait choisi de louer un<br />

cheval au lieu de marcher. Malgré son habitude de prendre bien<br />

soin de son corps, quelques jours plus tôt, dans la vil<strong>le</strong> portuaire<br />

p<strong>le</strong>ine de monde de Narumi il avait marché sur une planche où<br />

se trouvait un clou. Son pied rouge <strong>et</strong> enflé ressemblait à un<br />

kaki au vinaigre, <strong>et</strong>, depuis la veil<strong>le</strong>, Musashi avait la fièvre.<br />

Selon ses critères, il s’était battu contre un clou, <strong>et</strong> <strong>le</strong> clou<br />

avait gagné. En tant qu’étudiant des arts martiaux, il se sentait<br />

humilié de s’être laissé prendre par surprise. « N’y a-t-il aucun<br />

moyen de résister à un ennemi de ce genre ? se demanda-t-il à<br />

plusieurs reprises. <strong>La</strong> pointe du clou, dirigée vers <strong>le</strong> haut, était<br />

clairement visib<strong>le</strong>. J’ai marché dessus parce que je dormais à<br />

moitié... non, j’étais aveug<strong>le</strong> parce que mon esprit n’est pas<br />

encore actif à travers tout mon corps. Pis : j’ai laissé <strong>le</strong> clou<br />

pénétrer profond, preuve de la <strong>le</strong>nteur de mes réf<strong>le</strong>xes. Si je<br />

m’étais maîtrisé parfaitement, j’aurais remarqué <strong>le</strong> clou dès que<br />

l’aurait touché la semel<strong>le</strong> de ma sanda<strong>le</strong>. »<br />

Ce qui n’allait pas, conclut-il, c’était son immaturité. Son<br />

corps <strong>et</strong> son <strong>sabre</strong> ne formaient pas encore une unité ; ses bras<br />

avaient beau devenir de jour en jour plus robustes, son esprit <strong>et</strong><br />

<strong>le</strong> reste de son corps n’étaient pas en harmonie. Avec sa<br />

tournure d’esprit portée à l’autocritique, cela lui faisait l’eff<strong>et</strong><br />

d’une difformité paralysante.<br />

Pourtant, il ne croyait pas avoir entièrement perdu son<br />

temps au cours des six derniers mois. Après sa fuite de Yagyū, il<br />

était d’abord allé à Iga puis il avait grimpé la grand-route d’Omi,<br />

puis traversé <strong>le</strong>s provinces de Mino <strong>et</strong> d’Owari. Dans chaque<br />

vil<strong>le</strong>, dans chaque ravin de montagne, il avait cherché à<br />

maîtriser la véritab<strong>le</strong> Voie du <strong>sabre</strong>. Parfois, il avait eu<br />

l’impression de la frô<strong>le</strong>r mais son secr<strong>et</strong> demeurait<br />

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