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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Ce n’était nul<strong>le</strong>ment de l’exagération. Si Sekishūsai avait<br />

soutenu Yoshiaki, il eût été victime de Nobunaga, <strong>et</strong> s’il avait<br />

soutenu Nobunaga il eût fort bien pu se heurter à Hideyoshi.<br />

Eût-il accepté <strong>le</strong> patronage de Hideyoshi, Ieyasu l’eût dépossédé<br />

après la batail<strong>le</strong> de Sekigahara.<br />

Sa perspicacité, que l’on admirait, constituait un atout ;<br />

mais pour survivre en des temps aussi troublés Sekishūsai<br />

devait avoir une force intérieure qui manquait aux samouraïs<br />

ordinaires de son époque ; tous n’étaient que trop enclins à<br />

s’allier un jour avec un homme qu’ils abandonneraient <strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>ndemain sans vergogne, à ne se soucier que de <strong>le</strong>urs intérêts<br />

égoïstes – sans égards pour <strong>le</strong>s convenances ou l’intégrité –,<br />

voire à massacrer <strong>le</strong>ur propre famil<strong>le</strong> si el<strong>le</strong> gênait <strong>le</strong>urs<br />

ambitions personnel<strong>le</strong>s.<br />

« Je suis incapab<strong>le</strong> de faire ce genre de chose », déclarait<br />

simp<strong>le</strong>ment Sekishūsai. Et il disait vrai. Il n’avait pourtant pas<br />

renoncé à l’Art de la Guerre lui-même. Dans l’alcôve de son<br />

salon figurait un poème de sa main. Il disait :<br />

Je n’ai pas de méthode habi<strong>le</strong><br />

Pour réussir dans la vie.<br />

Je ne m’appuie que sur l’Art de la Guerre.<br />

Il est mon dernier refuge.<br />

Quand Ieyasu l’invita à visiter Kyoto, Sekishūsai estima<br />

impossib<strong>le</strong> de refuser ; il sortit de plusieurs décennies de<br />

solitude sereine pour effectuer son premier voyage à la cour du<br />

Shōgun. Il emmena son cinquième fils, Munenori, âgé de vingtquatre<br />

ans, <strong>et</strong> son p<strong>et</strong>it-fils Hyōgo qui n’avait alors que seize<br />

ans. Ieyasu non seu<strong>le</strong>ment confirma <strong>le</strong> vénérab<strong>le</strong> vieux guerrier<br />

dans ses fiefs, mais lui demanda d’enseigner <strong>le</strong>s arts martiaux à<br />

la Maison de Tokugawa. Sekishūsai déclina c<strong>et</strong> honneur en<br />

raison de son âge, <strong>et</strong> demanda que Munenori fût nommé à sa<br />

place ; Ieyasu acquiesça.<br />

L’héritage qu’emporta Munenori à Edo comprenait plus<br />

qu’une habil<strong>et</strong>é merveil<strong>le</strong>use aux arts martiaux : son père lui<br />

avait aussi transmis une connaissance du plan supérieur de l’Art<br />

de la Guerre qui perm<strong>et</strong> à un chef de gouverner sagement.<br />

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