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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Si agitée qu’el<strong>le</strong>-même avait l’air d’une fol<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> courut<br />

aussi vite qu’el<strong>le</strong> put sur <strong>le</strong>s traces de l’onc<strong>le</strong> Gon. Mais el<strong>le</strong><br />

arriva trop tard. L’onc<strong>le</strong> Gon avait déjà de l’eau jusqu’aux<br />

genoux, <strong>et</strong> continuait vers <strong>le</strong> large.<br />

Environné d’écume blanche, on l’aurait dit en transe.<br />

Encore plus au large, une jeune fil<strong>le</strong> s’élançait vers <strong>le</strong>s<br />

profondeurs. Quand il l’avait remarquée d’abord, el<strong>le</strong> se tenait<br />

dans l’ombre des pins <strong>et</strong> regardait la mer d’un air égaré ; puis<br />

soudain, el<strong>le</strong> avait filé à travers <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> <strong>et</strong> s’était j<strong>et</strong>ée à l’eau, ses<br />

cheveux noirs flottant derrière el<strong>le</strong>. L’eau montait maintenant à<br />

mi-chemin de sa tail<strong>le</strong>, <strong>et</strong> la jeune fil<strong>le</strong> approchait rapidement<br />

de l’endroit où <strong>le</strong> fond se dérobait soudain.<br />

Tout en s’approchant d’el<strong>le</strong>, l’onc<strong>le</strong> Gon l’appelait<br />

frénétiquement, mais el<strong>le</strong> pressa l’allure. Soudain, son corps<br />

disparut dans un clapotis, en faisant des remous à la surface.<br />

— Vous êtes fol<strong>le</strong>, mon enfant ! criait l’onc<strong>le</strong> Gon. Avez-vous<br />

donc décidé de vous tuer ?<br />

Alors, il disparut lui-même sous la surface.<br />

Osugi courait dans tous <strong>le</strong>s sens au bord de l’eau. Quand el<strong>le</strong><br />

vit sombrer <strong>le</strong>s deux baigneurs, ses cris se transformèrent en<br />

stridents appels au secours. Agitant <strong>le</strong>s bras, courant,<br />

trébuchant, el<strong>le</strong> appelait à la rescousse <strong>le</strong>s gens qui se trouvaient<br />

sur la plage comme s’ils avaient été responsab<strong>le</strong>s de l’accident :<br />

— Sauvez-<strong>le</strong>s, bande d’idiots ! Vite, ou ils vont se noyer !<br />

Quelques minutes plus tard, des pêcheurs rapportèrent <strong>le</strong>s<br />

corps <strong>et</strong> <strong>le</strong>s couchèrent sur <strong>le</strong> sab<strong>le</strong>.<br />

— Un suicide passionnel ? demanda quelqu’un.<br />

— Vous plaisantez ! fit un autre en éclatant de rire.<br />

L’onc<strong>le</strong> Gon avait saisi l’obi de la jeune fil<strong>le</strong>, qu’il tenait<br />

encore, mais ni lui ni el<strong>le</strong> ne respiraient plus. <strong>La</strong> jeune fil<strong>le</strong><br />

présentait un étrange aspect : sa chevelure avait beau être<br />

emmêlée <strong>et</strong> souillée, l’eau ne lui avait en<strong>le</strong>vé ni sa poudre ni son<br />

rouge à lèvres, <strong>et</strong> el<strong>le</strong> semblait vivante. Ses dents mordaient<br />

encore sa lèvre inférieure, <strong>et</strong> sa bouche purpurine paraissait<br />

rire.<br />

— Je l’ai déjà vue quelque part, dit quelqu’un.<br />

— Ce n’est pas la fil<strong>le</strong> qui cherchait des coquillages sur la<br />

plage, tout à l’heure ?<br />

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