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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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pas. J’ai l’intention de survivre cent ou mil<strong>le</strong> ans... dans <strong>le</strong> cœur<br />

de mes compatriotes, dans l’esprit de l’art du <strong>sabre</strong> japonais.<br />

Avant qu’el<strong>le</strong> ne pût répondre, il était hors de portée de sa<br />

voix. El<strong>le</strong> avait <strong>le</strong> sentiment que son âme même l’avait quittée ;<br />

pourtant, el<strong>le</strong> ne considérait pas cela comme une séparation.<br />

C’était plutôt comme si tous deux s’engloutissaient dans une<br />

grande vague de vie <strong>et</strong> de mort.<br />

Une avalanche de terre <strong>et</strong> de cailloux s’abattit au pied de la<br />

falaise, suivie de près par Jōtarō portant <strong>le</strong> masque grotesque<br />

qu’il avait reçu de la veuve de Nara. Levant <strong>le</strong>s bras au ciel, il<br />

s’exclama :<br />

— Je n’ai jamais été aussi surpris de ma vie !<br />

— Qu’est-il arrivé ? murmura Otsū, pas tout à fait remise du<br />

choc que lui avait causé la vision du masque.<br />

— Vous n’avez donc pas entendu ? Je ne sais pas ce que<br />

c’est, mais tout d’un coup il y a eu ce cri affreux.<br />

— Où étais-tu ? Portais-tu ce masque ?<br />

— J’étais au somm<strong>et</strong> de la falaise. Là-haut, il y a un sentier à<br />

peu près aussi large que celui-ci. Après être grimpé un p<strong>et</strong>it<br />

moment, j’ai trouvé une bonne grosse <strong>pierre</strong> ; aussi, je me suis<br />

tout simp<strong>le</strong>ment assis là, à regarder la lune.<br />

— Le masque... tu l’avais sur la figure ?<br />

— Oui. J’entendais hur<strong>le</strong>r des renards, <strong>et</strong> peut-être des<br />

blaireaux ou quelque chose comme ça, qui froissaient <strong>le</strong>s<br />

feuil<strong>le</strong>s, près de moi. Je me suis dit que <strong>le</strong> masque <strong>le</strong>s m<strong>et</strong>trait<br />

en fuite. Alors j’ai entendu ce cri à vous glacer <strong>le</strong> sang, comme<br />

poussé par un fantôme de l’enfer !<br />

Oies égarées<br />

— Attends-moi, Matahachi. Pourquoi marches-tu si vite ?<br />

Osugi, loin en arrière <strong>et</strong> tout essoufflée, perdait à la fois<br />

patience <strong>et</strong> dignité. Matahachi, d’une voix calculée pour être<br />

entendue, bougonna :<br />

— El<strong>le</strong> était si pressée quand nous avons quitté l’auberge !<br />

Mais écoutez-la maintenant. El<strong>le</strong> par<strong>le</strong> mieux qu’el<strong>le</strong> ne marche.<br />

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