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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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accessoire : la vil<strong>le</strong> autour du château connut un soudain afflux<br />

de trafiquants, de prostituées <strong>et</strong> de parasites – tous symbo<strong>le</strong>s de<br />

prospérité. L’opu<strong>le</strong>nce apportée par Ieyasu ravissait <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> ;<br />

<strong>le</strong>s marchands se dé<strong>le</strong>ctaient à l’idée que pour couronner <strong>le</strong> tout<br />

il y avait de fortes chances de guerre – source d’un surcroît de<br />

profits.<br />

Les citadins oubliaient vite <strong>le</strong> régime de Hideyoshi ; à la<br />

place, ils spéculaient sur ce qu’ils pourraient gagner dans<br />

l’avenir. Peu <strong>le</strong>ur importait qui détenait <strong>le</strong> pouvoir ; aussi<br />

longtemps qu’ils se trouvaient en mesure de satisfaire <strong>le</strong>urs<br />

propres appétits mesquins, ils ne voyaient aucune raison de se<br />

plaindre. Et Ieyasu ne <strong>le</strong>s décevait pas à c<strong>et</strong> égard, car il<br />

distribuait l’argent comme des bonbons aux enfants. Pas son<br />

propre argent, bien sûr, mais celui de ses ennemis potentiels.<br />

Dans l’agriculture éga<strong>le</strong>ment il instaurait un nouveau<br />

système de domination. Les magnats locaux n’avaient plus <strong>le</strong><br />

droit de gouverner à <strong>le</strong>ur guise ou d’engager à volonté des<br />

ouvriers agrico<strong>le</strong>s. Désormais, <strong>le</strong>s paysans étaient autorisés à<br />

cultiver <strong>le</strong>urs terres – mais guère plus. Ils devaient rester<br />

ignorants de la politique, <strong>et</strong> s’en rem<strong>et</strong>tre au pouvoir en place.<br />

Le gouvernant vertueux, selon Ieyasu, était celui qui ne<br />

laissait pas mourir de faim ceux qui cultivaient la terre, mais<br />

s’assurait en même temps qu’ils ne s’é<strong>le</strong>vaient pas au-dessus de<br />

<strong>le</strong>ur condition ; tel<strong>le</strong> était la politique grâce à laquel<strong>le</strong> il<br />

entendait perpétuer la domination des Tokugawas. Ni <strong>le</strong>s<br />

citadins ni <strong>le</strong>s cultivateurs ni <strong>le</strong>s daimyōs ne se rendaient<br />

compte qu’on <strong>le</strong>s insérait avec soin dans un système féodal qui<br />

finirait par <strong>le</strong>s ligoter. Nul ne songeait à ce que seraient <strong>le</strong>s<br />

choses un sièc<strong>le</strong> plus tard. Nul, à l’exception de Ieyasu.<br />

Les ouvriers du château de Fushimi ne pensaient pas non<br />

plus au <strong>le</strong>ndemain. Ils avaient l’humb<strong>le</strong> espoir de s’en tirer pour<br />

<strong>le</strong> jour même. Ils avaient beau par<strong>le</strong>r de la guerre <strong>et</strong> de la date<br />

où el<strong>le</strong> éclaterait peut-être, <strong>le</strong>s proj<strong>et</strong>s grandioses en vue de<br />

maintenir la paix <strong>et</strong> d’accroître la prospérité ne <strong>le</strong>s concernaient<br />

pas. Quoi qu’il advînt, ils ne pouvaient guère être en plus<br />

mauvaise posture qu’ils ne l’étaient.<br />

— Pastèque ! Qui veut une pastèque ? criait une fil<strong>le</strong> de<br />

cultivateur qui venait chaque jour à c<strong>et</strong>te heure-là.<br />

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