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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Vous devez avoir étudié cela à fond.<br />

— Pas du tout. Je ne suis pas un nob<strong>le</strong> de Kyoto, <strong>et</strong> je n’ai<br />

jamais appris avec un professeur ni l’arrangement floral, ni la<br />

cérémonie du thé.<br />

— Eh bien, on croirait <strong>le</strong> contraire.<br />

— J’emploie avec <strong>le</strong>s f<strong>le</strong>urs la même méthode qu’avec <strong>le</strong><br />

<strong>sabre</strong>.<br />

Otsū parut surprise.<br />

— Est-il vrai que vous puissiez arranger des f<strong>le</strong>urs de la<br />

même façon que vous utilisez <strong>le</strong> <strong>sabre</strong> ?<br />

— Oui. Tout est une question d’esprit. Je n’ai que faire de<br />

règ<strong>le</strong>s : tordre <strong>le</strong>s f<strong>le</strong>urs du bout des doigts ou <strong>le</strong>s pincer au col.<br />

Ce qu’il faut, c’est avoir l’esprit adéquat : être capab<strong>le</strong> de <strong>le</strong>s<br />

faire paraître vivantes, tout comme el<strong>le</strong>s l’étaient avant d’être<br />

cueillies. Regardez ! Ma f<strong>le</strong>ur n’est pas morte.<br />

Otsū estimait que c<strong>et</strong> austère vieillard lui avait appris bien<br />

des choses qu’el<strong>le</strong> avait besoin de savoir ; or, puisque tout avait<br />

commencé par une rencontre fortuite sur la grand-route, el<strong>le</strong> se<br />

jugeait fort chanceuse. « Je vous enseignerai la cérémonie du<br />

thé », disait-il. Ou bien : « Composez-vous des poèmes<br />

japonais ? Alors, apprenez-moi quelque chose du sty<strong>le</strong> courtois.<br />

Le Man’yōshū est bel <strong>et</strong> bon mais à vivre ici, dans ce lieu r<strong>et</strong>iré,<br />

je préférerais entendre des poèmes simp<strong>le</strong>s sur la nature. »<br />

En r<strong>et</strong>our, el<strong>le</strong> faisait pour lui de p<strong>et</strong>ites choses auxquel<strong>le</strong>s<br />

personne d’autre ne pensait. Par exemp<strong>le</strong>, il fut enchanté<br />

lorsqu’el<strong>le</strong> lui confectionna un p<strong>et</strong>it bonn<strong>et</strong> de tissu comme en<br />

portaient <strong>le</strong>s maîtres du thé. Il <strong>le</strong> gardait la plupart du temps sur<br />

<strong>le</strong> crâne, <strong>et</strong> <strong>le</strong> chérissait comme si nul<strong>le</strong> part il n’eût rien existé<br />

de plus beau. Son art de la flûte lui causait éga<strong>le</strong>ment un<br />

immense plaisir ; par <strong>le</strong>s clairs de lune, <strong>le</strong> son fascinant de<br />

l’instrument parvenait souvent jusqu’au château lui-même.<br />

Tandis que Sekishūsai <strong>et</strong> Otsū parlaient de l’arrangement<br />

floral, Kizaemon s’approcha doucement de l’entrée du chal<strong>et</strong>, <strong>et</strong><br />

appela la jeune fil<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> sortit <strong>et</strong> l’invita à l’intérieur, mais il<br />

hésita.<br />

— Voudriez-vous faire savoir à Sa Seigneurie que je rentre à<br />

l’instant de ma course ? lui demanda-t-il.<br />

Otsū se mit à rire.<br />

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