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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Durant la nuit, alors qu’il la regardait avec sollicitude chaque<br />

fois qu’el<strong>le</strong> s’agitait dans son sommeil, son cœur rendait un<br />

autre son de cloche : « Quel pauvre imbéci<strong>le</strong> je suis ! Je n’ai<br />

donc pas encore appris ? J’ai beau porter <strong>le</strong> surplis du prêtre <strong>et</strong><br />

jouer du shakuhachi comme un mendiant, je suis encore loin de<br />

réaliser la claire <strong>et</strong> parfaite illumination de P’u-hua. Ne<br />

découvrirai-je jamais la sagesse qui me délivrera de ce corps ? »<br />

Après s’être longuement morigéné, il s’était forcé à fermer<br />

ses tristes yeux, mais sans résultat.<br />

A l’aube, il avait pris une fois de plus c<strong>et</strong>te résolution : « Je<br />

renonce aux mauvaises pensées... il <strong>le</strong> faut ! » Mais Akemi était<br />

une jeune fil<strong>le</strong> charmante. El<strong>le</strong> avait tant souffert ! Il fallait<br />

tâcher de la conso<strong>le</strong>r. Il fallait lui montrer que tous <strong>le</strong>s hommes,<br />

en ce bas monde, n’étaient pas des démons lubriques.<br />

Outre <strong>le</strong>s médicaments, il se demandait quel cadeau lui<br />

apporter en rentrant <strong>le</strong> soir. Son désir de faire quelque chose<br />

pour rendre Akemi un peu plus heureuse lui donnerait du<br />

courage pour toute sa journée de mendicité. Cela suffirait ; il<br />

n’en demandait pas davantage.<br />

Vers <strong>le</strong> moment où il reprit son calme <strong>et</strong> où <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs<br />

revinrent à ses joues, il entendit un battement d’ai<strong>le</strong>s au-dessus<br />

de la falaise qui se dressait à côté de lui. L’ombre d’un grand<br />

faucon passa, <strong>et</strong> Tanzaemon regarda une plume grise de p<strong>et</strong>it<br />

oiseau tomber en tournoyant d’une branche de chêne sans<br />

feuil<strong>le</strong>. Le faucon s’é<strong>le</strong>va tout droit, l’oiseau dans ses serres ; on<br />

voyait <strong>le</strong> dessous de ses ai<strong>le</strong>s.<br />

Une voix d’homme, tout près, dit : « Il l’a eu ! », <strong>et</strong> <strong>le</strong><br />

fauconnier siffla son oiseau.<br />

Quelques secondes plus tard, Tanzaemon vit deux hommes<br />

en tenue de chasse descendre de la colline, derrière l’Ennenji.<br />

Le faucon était perché sur <strong>le</strong> poing gauche de l’un d’eux qui<br />

portait, du côté opposé à ses deux <strong>sabre</strong>s, une gibecière en fil<strong>et</strong>.<br />

Un chien de chasse brun qui avait l’air intelligent trottait sur<br />

<strong>le</strong>urs talons.<br />

Kojirō s’arrêta <strong>et</strong> regarda autour de lui.<br />

— C’est arrivé hier au soir, quelque part par ici, disait-il.<br />

Mon singe se chamaillait avec <strong>le</strong> chien, <strong>et</strong> <strong>le</strong> chien lui a mordu la<br />

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