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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Mon maître est-il vraiment là ?<br />

— S’il n’y était pas, pourquoi te montrerais-je <strong>le</strong> chemin ?<br />

— Qu’est-ce qu’il fait dans un endroit pareil ?<br />

— Si tu ouvres la porte de c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite ferme, juste en face, tu<br />

<strong>le</strong> verras par toi-même. Et maintenant, il faut que je r<strong>et</strong>ourne à<br />

mon ouvrage.<br />

El<strong>le</strong> disparut en si<strong>le</strong>nce, au-delà du bosqu<strong>et</strong>, dans <strong>le</strong> jardin<br />

voisin.<br />

<strong>La</strong> ferme semblait trop modeste pour être <strong>le</strong> but de sa quête,<br />

mais il ne pouvait partir sans s’en assurer. Pour atteindre une<br />

fenêtre latéra<strong>le</strong>, il roula une <strong>pierre</strong> du jardin en surplomb<br />

jusqu’au mur, se percha dessus <strong>et</strong> s’écrasa <strong>le</strong> nez contre la gril<strong>le</strong><br />

en bambou.<br />

— Il est là ! dit-il en faisant des efforts pour ne pas révé<strong>le</strong>r<br />

par un cri sa présence.<br />

Il brûlait d’envie de tendre la main pour toucher son maître.<br />

Cela faisait si longtemps !... Musashi dormait auprès du feu, la<br />

tête sur <strong>le</strong> bras. Jōtarō ne l’avait jamais vu dans de pareils<br />

vêtements : un kimono de soie à grands motifs imprimés, du<br />

genre qu’affectionnaient <strong>le</strong>s jeunes gens élégants de la vil<strong>le</strong>. Une<br />

étoffe de laine rouge était déployée par terre ; dessus, il y avait<br />

un pinceau, un encrier <strong>et</strong> plusieurs feuil<strong>le</strong>s de papier. Sur une<br />

feuil<strong>le</strong>, Musashi avait esquissé une aubergine ; sur une autre,<br />

une tête de pou<strong>le</strong>.<br />

Jōtarō en fut impressionné. « Comment peut-il perdre son<br />

temps à dessiner ? se dit-il avec irritation. Il ne sait donc pas<br />

qu’Otsū est malade ? »<br />

Un lourd manteau brodé couvrait à demi <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s du<br />

jeune homme. C’était sans doute possib<strong>le</strong> un vêtement de<br />

femme ; <strong>et</strong> ce kimono criard... dégoûtant. Jōtarō percevait une<br />

aura de volupté où se cachait <strong>le</strong> mal. Comme il était arrivé au<br />

Jour de l’An, une vague d’amère indignation devant <strong>le</strong>s façons<br />

corrompues des adultes <strong>le</strong> submergea. « Quelque chose ne va<br />

pas, se dit-il. Il n’est pas lui-même. » <strong>La</strong> contrariété se changea<br />

peu à peu en malice : « Je vais lui faire une de ces peurs !... »<br />

songea-t-il. Très doucement, il entreprit de descendre de la<br />

<strong>pierre</strong>.<br />

— Jōtarō ! appela Musashi. Qui donc t’a amené ici ?<br />

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