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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Dommage que tu te sois trompé, mais ne m’en veux pas<br />

d’avoir pris <strong>le</strong>s devants. Je croyais te trouver au pont. Tu sais,<br />

tout <strong>le</strong> monde dit que si l’on part en voyage de mauvaise<br />

humeur, on <strong>le</strong> restera d’un bout à l’autre. Allons, faisons la paix.<br />

Bien qu’il parût satisfait, Jōtarō se r<strong>et</strong>ourna <strong>et</strong> regarda avec<br />

brusquerie <strong>le</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s qu’ils traînaient après eux.<br />

— Qu’est-ce qu’el<strong>le</strong>s font toutes là ? El<strong>le</strong>s viennent avec<br />

nous ?<br />

— Bien sûr que non. El<strong>le</strong>s regr<strong>et</strong>tent seu<strong>le</strong>ment de me voir<br />

partir ; aussi ont-el<strong>le</strong>s la gentil<strong>le</strong>sse de nous accompagner<br />

jusqu’au pont.<br />

— Mon Dieu, comme c’est aimab<strong>le</strong> à el<strong>le</strong>s ! dit Jōtarō en<br />

imitant la façon de par<strong>le</strong>r d’Otsū, ce qui provoqua un éclat de<br />

rire général.<br />

Maintenant qu’il s’était joint au groupe, l’angoisse de la<br />

séparation s’atténuait, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s recouvraient <strong>le</strong>ur<br />

bonne humeur.<br />

— Otsū, s’écria l’une d’el<strong>le</strong>s, vous tournez du mauvais côté ;<br />

ce n’est pas <strong>le</strong> chemin du pont !<br />

— Je sais, répondit paisib<strong>le</strong>ment Otsū.<br />

El<strong>le</strong> avait tourné en direction du portail de Tamagushi pour<br />

saluer <strong>le</strong> sanctuaire intérieur. El<strong>le</strong> frappa une fois ses mains<br />

l’une contre l’autre, inclina la tête vers <strong>le</strong> sanctuaire, <strong>et</strong> garda<br />

quelques instants une attitude de prière si<strong>le</strong>ncieuse.<br />

— Ah ! je vois, murmura Jōtarō. El<strong>le</strong> ne croit pas devoir<br />

partir sans avoir fait ses adieux à la déesse.<br />

Il se bornait à la regarder de loin ; mais <strong>le</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s se<br />

mirent à <strong>le</strong> pousser dans <strong>le</strong> dos en lui demandant pourquoi il ne<br />

suivait pas l’exemp<strong>le</strong> d’Otsū.<br />

— Moi ? dit l’enfant, incrédu<strong>le</strong>. Je ne veux m’incliner devant<br />

aucun sanctuaire.<br />

— Il ne faut pas dire ça. Un jour, tu en seras puni.<br />

— Je me sentirais tout bête à m’incliner comme ça.<br />

— Qu’est-ce qu’il y a de bête à témoigner ton respect envers<br />

la déesse du so<strong>le</strong>il ? Ce n’est pas une de ces divinités subalternes<br />

qu’ils adorent dans <strong>le</strong>s grandes vil<strong>le</strong>s.<br />

— Je sais, je sais.<br />

— Eh bien, alors, pourquoi ne la salues-tu pas ?<br />

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