14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

dans c<strong>et</strong>te vie insouciante, il demeurait à l’affût d’un ami, d’une<br />

relation qui lui procurât un poste bien payé au service d’un<br />

grand daimyō.<br />

Il fallait à Matahachi une certaine dose de modération pour<br />

vivre selon ses moyens, mais il s’estimait plus sage que jamais<br />

auparavant. Des histoires l’encourageaient souvent : comment<br />

tel ou tel samouraï, il n’y avait pas si longtemps, en<strong>le</strong>vait <strong>le</strong>s<br />

gravats d’un chantier de construction ; mais aujourd’hui, on <strong>le</strong><br />

voyait chevaucher en grande pompe à travers la vil<strong>le</strong> avec une<br />

suite de vingt personnes <strong>et</strong> un cheval de relais.<br />

D’autres fois, il se sentait abattu. « Le monde est un mur de<br />

<strong>pierre</strong>, se disait-il. Et <strong>le</strong>s <strong>pierre</strong>s sont si rapprochées qu’il n’y a<br />

pas la moindre fente par où pénétrer. » Mais sa déception<br />

disparaissait toujours. « Qu’est-ce que je raconte là ? Ça n’a c<strong>et</strong><br />

air que lorsqu’on n’a pas encore rencontré sa chance. Il est<br />

toujours diffici<strong>le</strong> de percer, mais dès que j’aurai trouvé une<br />

ouverture... »<br />

Quand il demanda au sellier s’il avait entendu par<strong>le</strong>r d’un<br />

poste pour lui, <strong>le</strong> sellier répondit avec optimisme :<br />

— Vous êtes jeune <strong>et</strong> solide. Si vous faites une demande au<br />

château, ils vous trouveront sûrement une place.<br />

Mais découvrir <strong>le</strong> travail idéal n’était pas aussi faci<strong>le</strong>. Le<br />

dernier mois de l’année trouva Matahachi encore sans emploi,<br />

son argent diminué de moitié.<br />

Sous <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il hivernal du mois <strong>le</strong> plus affairé de l’année, <strong>le</strong>s<br />

hordes humaines qui fourmillaient dans <strong>le</strong>s rues avaient l’air<br />

étonnamment calmes. Au centre de la vil<strong>le</strong>, il y avait des terrains<br />

vagues où, <strong>le</strong> matin de bonne heure, la gelée blanchissait<br />

l’herbe. A mesure que la journée s’avançait, <strong>le</strong>s rues devenaient<br />

boueuses, <strong>et</strong> l’impression d’hiver était effacée par <strong>le</strong> tintamarre<br />

des marchands qui vantaient <strong>le</strong>ur lot à grand renfort de gongs <strong>et</strong><br />

de tambours. Sept ou huit baraques, entourées de nattes de<br />

pail<strong>le</strong> usées pour empêcher <strong>le</strong>s badauds de regarder à<br />

l’intérieur, invitaient avec des drapeaux de papier <strong>et</strong> des lances<br />

décorées de plumes à entrer voir <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong>. Des bonimenteurs<br />

rivalisaient d’une voix stridente pour attirer dans <strong>le</strong>urs<br />

misérab<strong>le</strong>s théâtres <strong>le</strong>s passants désœuvrés.<br />

385

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!